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Coronavirus, protection du personnel d'une SISA ou MSP
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CORONAVIRUS : PROTECTION DES PERSONNELS SALARIÉS D’UNE SISA OU MSP

Article rédigé le 1er avril 2020 par Me Guillaume Champenois

Quelle est la responsabilité d’une maison de santé ou d’une SISA, en tant qu’employeur, en terme de risque pour sa santé au travail ?

Concernant la responsabilité de l’employeur

 

L’employeur a une obligation de résultat en matière de santé au travail. Cela signifie qu’il doit garantir au salarié la préservation de sa santé.

 

A ce titre, il doit s’assurer que ses salariés ne sont pas exposés à quel que risque que ce soit.

 

A minima, faute de disposer de masques FFP2, vous devez réorganiser les bureaux pour que soit respecté si possible les règles dites de distanciation sociale (1,5 mètre entre chaque salarié), la mise à disposition de gel hydro alcoolique, l’affichage de panneaux ou notes rappelant les consignes de sécurité.

 

Si possible, vous installez des vitres de plexiglas autour ou devant chaque bureau.

 

Les salariés, s’ils s’estiment soumis à un risque pour leur santé, pourront faire valoir leur droit de retrait et, au regard des circonstances factuelles, vous ne pourrez pas faire grand-chose que de prendre acte dudit droit de retrait.

 

La difficulté réside dans le fait que le droit du travail est autonome et que la circonstance que l’Etat présente une carence à vous fournir en masques de protection ne vous libère pas de cette obligation de résultat en matière de santé au travail.

 

Vous pouvez mixer les mesures précitées avec un roulement en télétravail, la demande opérée auprès des salariés de poser des jours de congés ou RTT également par roulement. On entre ici dans une logique d’organisation du travail visant à réduire le risque.

 

L’orientation stratégique est d’occuper un peu l’espace de la sécurité des travailleurs. Autrement formulé, à défaut de disposer de masques FFP2, il faut montrer que vous avez fait tout ce qui était possible de faire pour protéger vos salariés.

 

Maintenant, la seule hypothèse qui vous protège est l’arrêt de l’activité. Or, vous faites partie de ces activités essentielles en période de crise sanitaire.

 

Indépendamment de ces mesures, vous devez obligatoirement mettre à jour le « Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels » ou  « DUERP »

 

Le code du travail imposant à l’employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la santé et la sécurité de son personnel, cela doit passer par une évaluation des risques… laquelle est transcrite dans le document unique. « L’actualisation du document unique d’évaluation des risques prévue à l’article R. 4121-2 du code du travail est nécessaire du fait de l’épidémie actuelle liée au virus Covid-19 », confirme la direction générale du travail.

 

Il est précisé que l’évaluation des risques à pour but de “réduire au maximum les risques de contagion sur le lieu de travail ou à l’occasion du travail par des mesures telles que des actions de prévention, des actions d’information et de formation ainsi que la mise en place de moyens adaptés, conformément aux instructions des pouvoirs publics“. Et aussi que l’employeur doit veiller à l'”adaptation constante” des actions de prévention “pour tenir compte du changement des circonstances“.

 

Cela induit d’identifier les situations à risque et de décider les mesures de prévention correspondantes.

 

En cas de contacts avec le public, lorsqu’il n’est pas possible de les stopper, le document du ministère du travail distingue schématiquement deux situations de travail : lorsque les contacts sont brefs, et lorsqu’ils sont prolongés et proches.

 

Pour les contacts brefs, les mesures dites “barrières” bien appliquées – et surtout le lavage des mains très fréquent – “permettent de préserver la santé de vos collaborateurs et celle de votre entourage”. En cas de contact davantage prolongé (au-delà de quelques minutes), les mesures “barrière” doivent être complétées “par exemple par l’installation d’une zone de courtoisie d’un mètre, par le nettoyage des surfaces avec un produit approprié”, mentionne la DGT.

 

En adoptant toutes ces mesures et « en occupant le terrain de la prévention », vous limitez le risque juridique auquel vous êtes exposé par votre seule qualité d’employeur.

 

 

La responsabilité de l’État en matière de réquisition de personnels

 

En cas de réquisition par l’Etat de vos personnels, ceux-ci seront placés sous la responsabilité de l’Etat et tout dommage leur arrivant dans le cadre d’un exercice professionnel intervenant sous réquisition doit être en principe réparé par l’Etat et non l’employeur.

 

La responsabilité de la puissance publique pour les dommages subis par les requis ne pose aucune difficulté théorique. C’est ici l’application du régime de la responsabilité sans faute de la puissance publique. Cela a été reconnu tant par le juge administratif (CE 5 mars 1943, Chavat, Gaz. Pal. 1943. 2.32) que par le juge judiciaire (jurispr. Docteur Giry, Civ. 23 nov. 1956, D. 1957. 34, concl. Lemoine : « Mais attendu qu’il ressort de l’arrêt attaqué, qu’à l’instant où il fut blessé, le docteur Giry, requis par le représentant d’un service public, était devenu le collaborateur occasionnel de ce service ; attendu que la victime d’un dommage subi dans de telles conditions n’a pas à le supporter, que la réparation de ce dommage – toute recherche d’une faute étant exclue – incombe à la collectivité dans l’intérêt de laquelle le service intéressé a fonctionné »).

 

Cette responsabilité de la puissance publique ne sera engagée au bénéfice du requis qu’à la double condition que ce dernier ait subi un dommage et que ce dommage soit directement imputable à l’ordre de réquisition.

 

En droit du travail stricto sensu, lorsque vous êtes en présence d’un prêt de main d’œuvre ou d’une mise à disposition d’un salarié entre deux entreprises, l’employeur demeure responsable de la santé de son salarié pour permettre à ce dernier de se retourner le cas échéant contre lui pour être indemnisé, à charge pour l’employeur de se retourner à son tour à l’encontre de l’entité d’accueil ou de mise à disposition.

 

La France étant confrontée à une telle situation pour la première fois, les règles juridiques demeurent encore un peu flou puisque par définition le juge n’a pas encore été conduit à se prononcer sur de telles situations. Reste que le projet de Loi relative à la Lutte contre le covid-19 adopté cette nuit prévoit la possibilité d’élargir le pouvoir de réquisition en période de crise sanitaire. Il n’est donc pas impossible que l’Etat réquisitionne vos personnels. En pareille hypothèse, vous serez alors totalement déchargé de votre responsabilité d’employeur.

 

Il est conseillé aux employeurs d’adresser un courrier aux autorités de tutelle les alertant sur le fait qu’en l’absence de masque FFP2, vos salariés encourent un risque pour la santé et que par voie de conséquence vous n’êtes pas mis en mesure de respecter votre obligation de résultat en matière de santé au travail et que subséquemment vous ne pouvez garantir à ladite autorité de tutelle que vos salariés n’exerceront pas leur droit de retrait.

 

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).