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Détachement d'office - réforme de la fonction publique
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RÉFORME DE LA FONCTION PUBLIQUE : LE DÉTACHEMENT D’OFFICE DU FONCTIONNAIRE EN CAS D’EXTERNALISATION

Article rédigé le 11 octobre 2019 par Me Marine Jacquet

Comme indiqué dans un précédent article (voir notamment sur le projet de loi, l’article de Caroline Lesné – DISPOSITIF D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL EN CAS DE SUPPRESSION D’EMPLOI du 22 février 2019), le chapitre II titre IV de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique vise notamment à accompagner les transitions professionnelles des agents publics dans un contexte de restructuration.

L’article 75 créé un dispositif global d’accompagnement des agents dont l’emploi est supprimé dans le cadre de restructuration.

 

L’article 76, qui nous intéresse ici, organise, quant à lui, la possibilité d’un détachement d’office pour les fonctionnaires affectés à des missions ou services externalisés vers le privé. Cet article rétablit l’article 15 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 en ces termes :

 

« I- Lorsqu’une activité d’une personne morale de droit public employant des fonctionnaires est transférée à une personne morale de droit privé ou à une personne morale de droit public gérant un service public industriel et commercial, des fonctionnaires exerçant cette activité peuvent être détachés d’office, pendant la durée du contrat liant la personne morale de droit public à l’organisme d’accueil, sur un contrat de travail conclu à durée indéterminée auprès de l’organisme d’accueil. (..)  »

 

Ce dispositif organise la possibilité d’un détachement d’office pour les fonctionnaires affectés à des missions ou services externalisés vers le privé.

 

Il s’agit du pendant sur le volet des ressources humaines de la réorganisation de l’administration engagée par le Gouvernement dans le cadre du programme Action publique 2022 qui implique l’évolution du périmètre d’action de nombreux services publics. Dans ce cadre, l’État, les collectivités territoriales et les établissements hospitaliers sont incités à externaliser une partie de leurs missions pour diminuer les coûts[1].

 

En effet, en l’état actuel du droit, il n’existait pas de dispositif juridique particulier applicable aux fonctionnaires dans ces situations. Monsieur Olivier Dussopt, secrétaire d’État, souligne à titre exemple, lors de la séance au sénat du 26 juin 2019, l’externalisation d’un service de restauration collective. L’externalisation du service va entrainer le transfert des agents contractuels affectés au service. Ces derniers sont obligés de suivre le transfert, alors que les agents titulaires pouvaient refuser. L’employeur public pouvait se retrouver avec des cuisiniers titulaires, mais sans plus de service de restauration à gérer.

 

Décortiquons ce dispositif plus en détail …

 

Quel est le périmètre d’application du détachement d’office ?

 

Le détachement d’office a vocation à s’appliquer en cas d’externalisation d’une activité publique à une personne morale de droit privé ou de droit public gérant un service public industriel et commercial.  

 

Elle vise les situations par lesquelles la personne publique confie à un tiers son activité par le biais d’un contrat. Son application apparait donc cantonnée aux cas des contrats de la commande publique (concessions de service ou de marchés publics).

 

Ceci étant, le VII de l’article 76 précité étend largement le champ d’application du détachement d’office. Il est visé également les cas des fonctionnaires exerçant leurs missions auprès d’une personne morale de droit privé, et ce sans plus de condition : « VII- En dehors des cas où ils sont mis à disposition, les fonctionnaires, lorsqu’ils exercent leurs missions auprès d’une personne morale de droit privé, peuvent être détachés d’office dans les conditions prévues au présent article auprès de cette personne morale de droit privé. Le présent VII ne s’applique pas aux fonctionnaires mentionnés à l’article L. 131-12 du code du sport. ».

 

Pour qui ? Quelles sont les personnes concernées ?

 

Les fonctionnaires sont visés et ceux des trois versants de la fonction publique (Etat, hospitalière et territoriale). Les agents contractuels de droit public comme les personnels médicaux n’entrent pas dans le dispositif.

 

Ceci étant, comme indiqué supra, il peut être souligné que pour les agents non titulaires de droit public, l’article L.1224-3-1 du code du travail, organise déjà le transfert de l’agent contractuel en cas de reprise de l’activité d’une personne morale de droit public par une personne morale de droit privé ou un organisme de droit public gérant un service public industriel et commercial. L’organisme est tenu de proposer à ces agents un contrat de travail reprenant les clauses substantielles du contrat dont les agents sont titulaires, en particulier celles qui concernent la rémunération.

 

Comment ? Quelle est la situation du fonctionnaire pendant la période de détachement d’office ?

 

En cas d’externalisation de l’activité publique, le dispositif prévoit que le fonctionnaire, pendant la durée du marché ou de la concession de service public, peut se trouver placé d’office auprès du prestataire, donc sans obtention préalable de son accord.

 

Le prestataire devra lui proposer un contrat de travail à durée indéterminée comprenant une rémunération au moins égale à la rémunération antérieurement versée par l’employeur public et qui ne peut être inférieure à celle versée pour les mêmes fonctions à ses salariés. En d’autres termes, si le prestataire privé paie mieux ses salariés pour les mêmes fonctions, la rémunération du fonctionnaire doit être relevée à due concurrence pour atteindre ceux des nouveaux collègues du secteur privé.

 

Les services accomplis en détachement dans l’organisme d’accueil sont assimilés à des services effectifs dans le corps ou le cadre d’emplois dont relève l’agent. Le fonctionnaire conserve donc le bénéfice de ses droits à l’avancement, ainsi que les droits à la retraite de son corps ou cadre d’emplois d’origine.

 

Il n’est pas prévu la reprise d’autres droits émanant des statuts. À titre d’exemple, l’agent contractuel bénéficie, quant à lui, plus largement de la reprise de l’ensemble des « clauses substantielles » de son précédent contrat.

 

 

Que se passe-t-il pour le fonctionnaire détaché à l’issue du marché ou de la concession de service ?

 

Tout dépend des suites qui sont données.

 

Si à l’issue du contrat, ce dernier est renouvelé, le détachement du fonctionnaire est également renouvelé d’office.

 

En cas de changement de prestataire (conclusion d’un nouveau marché ou d’une nouvelle concession de service public), le fonctionnaire est détaché d’office auprès du nouvel organisme d’accueil. Cet organisme est tenu de reprendre les clauses substantielles du contrat de travail à durée indéterminée que détenait le fonctionnaire auprès de l’ancien prestataire, notamment celles relatives à la rémunération.

 

En cas de reprise de l’activité en régie directe, le fonctionnaire opte soit :

 

  • pour sa radiation des cadres et le versement d’une indemnité prévue par décret s’il souhaite poursuivre son contrat de travail au sein de l’organisme d’accueil ;
  • pour sa réintégration de plein droit dans son corps ou son cadre d’emplois d’origine.

 

Et si le prestataire décide de licencier l’agent ou si l’agent souhaite mettre fin à sa disponibilité ?

 

Si le prestataire licencie le fonctionnaire, ce dernier est réintégré de plein droit dans son corps ou son cadre d’emplois d’origine.

 

Par ailleurs, à tout moment pendant la durée de son détachement, le fonctionnaire peut demander sa radiation des cadres et le versement d’une indemnité pour poursuivre avec le prestataire.

 

Le fonctionnaire peut également demander à ce qu’il soit mis fin à son détachement d’office pour occuper un emploi au sein de sa fonction publique d’appartenance ou d’une autre fonction publique. Toutefois, tout dépendra de la vacance des postes.

 

 

En quelques mots, la loi de transformation de la fonction publique organise désormais la possibilité d’un détachement d’office du fonctionnaire en cas d’externalisation de l’activité d’une personne publique.

 

Ce mécanisme s’aligne globalement sur les dispositions prévues aux agents contractuels de droit public, avec maintien de certaines garanties pour le fonctionnaire :

  • maintien de la rémunération ;
  • les services accomplis en détachement dans l’organisme d’accueil sont assimilés à des services effectifs dans le corps ou le cadre d’emplois ;
  • possibilité, à la demande du fonctionnaire, de réintégration pour occuper un emploi au sein de sa fonction publique d’appartenance ou d’une autre fonction publique sur un poste vacant ;
  • possibilité de réintégration à la fin de l’externalisation ;
  • possibilité de rester parmi les salariés de l’employeur privé avec une indemnité.

 

Reste à connaitre le détail de la mise en œuvre de ce dispositif, qui devrait être précisé par décret, et notamment de son extension aux fonctionnaires qui exercent leurs missions auprès d’une personne morale de droit privé.

 

 


[1]Rapport n° 570 (2018-2019) de Mme Catherine DI FOLCO et M. Loïc HERVÉ, fait au nom de la commission des lois, déposé le 12 juin 2019

Marine JACQUET, avocate associée, exerce au sein du Cabinet HOUDART ET ASSOCIÉS depuis 2011.

Maître Jacquet se consacre plus particulièrement aux problématiques relatives aux ressources humaines au sein du Pôle social du cabinet, Pôle spécialisé en droit du travail, droit de la sécurité sociale, droit public et droit de la fonction publique.

Présentant une double compétence en droit du travail et en droit de la fonction publique, elle conseille quotidiennement depuis 7 ans  les établissements de santé privés comme publics, les établissements de l’assurance maladie, les acteurs du monde social, médico social et les professionnels de santé libéraux notamment sur la gestion de leurs personnels,  leurs projets et leur stratégie en s’efforçant de proposer des solutions innovantes.

Elle accompagne ces acteurs sur l’ensemble des différends auquel ils peuvent être confrontés avec leur personnel (à titre d’exemple, gestion d’accusation de situation d’harcèlement moral ou de discrimination syndicale, gestion en période de grève, gestion de l’inaptitude médicale, des carrières et contentieux y afférents, procédures disciplinaires ou de licenciement, indemnités chômage …etc).