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PIMM MODE D'EMPLOI EN 2020
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LES PLATEAUX D’IMAGERIE MÉDICALE MUTUALISÉES (PIMM) MODE D’EMPLOI 2020

Article rédigé le 27 janvier 2020 par Me Laurent Houdart

Où en sont les PIMM quatre ans après ?

Rappelons que le plateau d’imagerie médicale mutualisé (PIMM) a été créée par la Loi du 26 janvier 2016 (article 113) – codifié dans le code de la santé publique sous le numéro L 6122-15 – avec pour objectif de mettre en place des organisations territoriales radiologiques : diagnostique et/ou interventionnelle, publique et/ou privé, site unique ou multi sites.

En totale rupture avec les coopérations actuelles qui se bornent le plus souvent à une mutualisation des équipements matériels lourds, le PIMM augure un mode de fonctionnement totalement innovant et une approche nouvelle du fonctionnement de la radiologie sur un territoire.

TOUT est mutualisé ; les locaux, les équipements, personnel non médical et médical, permanence des soins. Un projet médical commun dénommé projet de coopération définit le périmètre du plateau et ses modalités. Il n’y a de distinction entre les patients de l’un ou de l’autre. En d’autres termes, les acteurs font pot commun.

Tout ceci ne serait que vœu pieux s’il n’y a harmonisation des rémunérations des acteurs.

 

Comment, en effet, demander à des praticiens hospitaliers d’œuvrer de concert avec des praticiens libéraux dont la rémunération est supérieure, parfois de façon significative ?

 

Certes, il est toujours possible de favoriser l’abandon d’un statut (le plus souvent hospitalier) au profit d’un autre. Si des exemples existent, cette approche n’est pas satisfaisante.

 

Le choix du statut hospitalier est un choix délibéré et la perspective d’une meilleure rémunération n’est pas suffisante pour justifier de son abandon au profit d’un statut libéral.

 

A l’inverse, les praticiens libéraux font souvent grief au mode de rémunération à l’acte, d’obliger à un « rendement » qui ne permet pas de se consacrer lorsque nécessaire à tel ou tel cas ou problématique.

 

Comment concilier l’inconciliable ?

 

C’est ce que propose l’article L 6122-15 du CSP en prévoyant que « (…) Les conditions de rémunération des praticiens exerçant dans le cadre de ces plateformes d’imagerie mutualisées peuvent déroger aux règles statutaires et conventionnelles.(…)»

 

Ainsi, par un alinéa anodin, la Loi autorise les praticiens qui exercent au sein du PIMM à déroger – uniquement pour la rémunération – aux règles statutaires et conventionnelles.

 

Les questions fusent aussitôt ;

 

Qui le décide ? A quelle hauteur ? Sous quelle forme ? Quelle proportion ? ou trouver les financements nécessaires ?

 

Les projets actuellement en cours apportent les premières réponses.

 

1ère observation : Le projet de coopération, socle du PIMM

 

Considérer que parce que l’on constitue un PIMM, il est alors possible d’augmenter la rémunération des praticiens hospitaliers ou d’aménager celle des praticiens libéraux serait une erreur grossière. L’augmentation des rémunérations ne peut constituer le but d’un plateau mutualisé mais l’un des moyens mis à disposition des acteurs.

 

Le but d’un PIMM est de mettre en place une organisation radiologique sur un territoire afin de répondre aux besoins de la population. Ce dispositif n’est d’ailleurs pas sans rappeler l’approche populationnelle expérimentée ici et là.

 

La création d’un PIMM exige ainsi un premier travail, en étroite liaison avec l’agence Régionale de santé compétente afin de déterminer les besoins radiologiques du territoire, les équipements nécessaires, les liens et modes de coopération avec les acteurs de santé et médico sociaux ; Etablissements de santé, centre de santé, EHPAD, maisons de santé, Communauté professionnelle de territoire, etc. Le recours à la téléradiologie avec constitution éventuelle d’un centre apparaît également comme un procédé opportun pour faciliter la couverture radiologique et répondre à la permanence de soins. [2]

 

Ce premier travail s’exprime à travers le projet de coopération, socle fondateur du PIMM. Il est établi par les acteurs et transmis à l’Agence.

 

Procéder autrement conduit inéluctablement à un échec.

 

 

2ème observation : Importance d’une approche économique sincère

 

Voici qui paraît aller de soi. Pourtant, elle exige un travail spécifique afin de pouvoir établir une comptabilité analytique précise du périmètre arrêté par les partenaires.

 

Cela conduit à établir un budget prévisionnel qui sera la base de la vérification de la faisabilité du PIMM et qui autorisera éventuellement à des dérogations statutaires et conventionnelles.

 

Les premières expériences démontrent également l’intérêt de prévoir une montée en charge progressive.

 

 

3ème observation : Autorisation équipement matériel lourd et autorisation de PIMM

 

Précisons que le PIMM fait l’objet d’une autorisation accordée par l’ARS au terme d’un appel à projet pour une durée de 5 ans (renouvelable). La création du PIMM peut emporter autorisation d’un équipement qui n’a pas déjà fait l’objet d’une autorisation.

 

Il faut donc distinguer l’autorisation du PIMM (5 ans) de celle des équipements matériels lourds (7 ans).

 

D’aucuns ont considéré que la durée de 5 ans même renouvelable n’est pas suffisante pour s’engager dans un dispositif aussi intégré que le PIMM qui pourrait mettre en péril, en cas de non renouvellement, les organisations et cabinets partenaires.

 

Si l’inquiétude est compréhensible, la problématique n’est guère différente de celle des autorisations d’équipement matériel lourd ; Les investissements sont très importants (machine, personnel, locaux, travaux) et pourtant la durée de l’autorisation est courte.

 

Cela n’est plus un obstacle ; Chacun a bien compris, que sauf le non-respect grossier des obligations imparties au titulaire de l’autorisation, cette dernière est systématiquement renouvelée.

 

Il en sera de même pour les PIMM ; Les ARS ont tout intérêt à faciliter le renouvellement d’un dispositif qui garantit sur un territoire une couverture radiologique. En revanche, il serait certainement de bonne politique d’en rallonger la durée pour qu’elle soit au minimum de 7 ans.

 

Dernier point, et non des moindres, concernant l’autorisation du PIMM ; Elle peut emporter autorisation d’un nouvel équipement : « (…) La décision d’autorisation prévue au présent article vaut autorisation pour les équipements matériels lourds inclus dans les plateaux techniques qui n’ont pas fait l’objet d’une autorisation préalable en vertu de l’article L. 6122-1. Il leur est fait application de l’article L. 162-1-7 du code de la sécurité sociale.(…) »

 

Certes, cet équipement devra être conforme au prévisionnel d’implantation des équipements matériels lourds du schéma régional de santé. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une procédure dérogatoire dont on comprend le sens ; De par son objet et la territorialisation de la couverture radiologique, le matériel répond à des exigences qui se fondent dans le projet du PIMM lui-même.

 

4ème observation : Un mode de rémunération dérogatoire décidé par les partenaires

 

Il restera enfin à se pencher sur la délicate question de la rémunération des praticiens publics et privés dans une optique de convergence indispensable à la réussite et à la pérennité du dispositif. La loi l’a évoqué mais avec beaucoup de prudence et de pudeur se bornant à indiquer ; « les conditions de rémunération des praticiens exerçant dans le cadre de ces plateformes d’imagerie mutualisées peuvent déroger aux règles statutaires et conventionnelles.. »

 

Cette rédaction ouvre la porte à en élaborer les règles dans le cadre de la convention constitutive du PIMM lui-même.

C’est donc aux partenaires, sous réserve de la validation de l’Agence, qui en définiront les modalités (émolument, primes, etc)

 

Il est bien certain que ces règles doivent s’appuyer sur le projet de budget dont nous avons fait mention précédemment : Il importe que ces dérogations qui emportent une rémunération complémentaire au bénéfice notamment des praticiens hospitaliers reposent sur un équilibre budgétaire.

 

Dans ces conditions, la nouvelle organisation qui sera mise en place doit faciliter la recherche de nouvelles recettes notamment par la création éventuelle d’un centre de téléradiologie et/ou une nouvelle autorisation d’équipement matériel lourd.

 

La création d’un PIMM, quel que soit son périmètre et ses acteurs, est un travail de longue haleine, du « sur-mesure » et exige des acteurs concernés un investissement et une ouverture d’esprit pour bâtir ce qui pourrait être la radiologie de demain… et qui sait, un nouveau modèle d’organisation hospitalière ?

 

 

 


 

[1] Le recours à la téléradiologie n’est pas la formule magique pour résoudre la question de la permanence des soins dans les établissements publics de santé. Encore faut-il que le dispositif repose sur une qualité d’interprétation qui n’est pas toujours au rendez-vous. Nous aborderons cette problématique dans un prochain article.

Fondateur du Cabinet Houdart et Associés en 1987, Laurent Houdart assiste, conseille et représente nombres d’opérateurs publics comme privés au sein du monde sanitaire et médico-social depuis plus de 20 ans.

Après avoir contribué à l’émergence d’un « Droit de la coopération sanitaire et médico-sociale », il consacre aujourd’hui une part importante de son activité à l’accompagnement des établissements de santé publics comme privés dans la restructuration de l’offre de soins (fusions, transferts partiel d’activité, coopération publique & privé, …). 

Expert juridique reconnu dans le secteur sanitaire comme médico-social, il est régulièrement saisi pour des missions spécifiques sur des projets et ou opérations complexes (Ministère de la santé, Ministère des affaires étrangères, Fédération hospitalière de France, AP-HM,…).

Il ne délaisse pas pour autant son activité plaidante et représente les établissements publics de santé à l’occasion d’affaires pénales à résonance nationale.

Souhaitant apporter son expérience au monde associatif et plus particulièrement aux personnes en situation de fragilité, il est depuis 2015 Président de la Fédération des luttes contre la maltraitance qui regroupe 1200 bénévoles et 55 centres et reçoit plus de 33000 appels par an.