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licenciement économique pour cessation d’activité d’une entreprise et état de santé d’un salarié : les dernières précisions de la chambre sociale 

Article rédigé par Alice Agard

Cour de cassation, chambre sociale, 26 octobre 2022 (n°20-17.501)

Dans un arrêt du 26 octobre dernier, la chambre sociale de la cour de cassation a pu apporter des précisions en cas de litige relatif aux motifs d’un licenciement.

En l’espèce, un salarié avait été placé en arrêt de travail pour maladie le 30 mai 2017, avant d’être licencié pour motif économique le 6 décembre 2017, du fait de la cessation d’activité de l’entreprise.

Il avait alors saisi la juridiction prud’homale, invoquant le caractère discriminatoire de son licenciement, selon lui lié à son état de santé. Il faisait en effet valoir qu’à la date du prononcé du licenciement, l’employeur connaissait l’existence d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle par le salarié et qu’il avait été informé de la saisine du médecin du travail pour une visite de reprise.
Faisant droit à sa demande, la cour d’appel a prononcé la nullité du licenciement et a condamné l’employeur à payer au salarié des dommages et intérêts, considérant qu’ « au moment de la notification du licenciement pour motif économique, l’employeur disposait d’éléments suffisants lui permettant de retenir que l’état de santé du salarié pourrait faire l’objet d’une inaptitude en lien avec l’activité professionnelle ». Selon les juges du fond, le véritable motif du licenciement était ainsi lié à l’état de santé du salarié.

L’employeur a alors formé un pourvoi en cassation, soutenant que la cessation d’activité complète et définitive de l’entreprise constituait le motif économique du licenciement. Il faisait notamment valoir la tenue d’un entretien préalable à un licenciement économique, et qu’en outre, c’était seulement postérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement pour motif économique que le salarié avait adressé à l’employeur un arrêt de travail pour maladie professionnelle, l’avait informé d’une demande de reconnaissance de maladie professionnelle et de la saisine du médecin du travail pour une visite de reprise.

La chambre sociale accueille le pourvoi et casse l’arrêt : la cour d’appel aurait dû rechercher si la cessation d’activité de l’entreprise invoquée à l’appui du licenciement ne constituait pas la véritable cause de ce licenciement.

La haute juridiction rappelle qu’un licenciement économique au sens de l’article L 1233-3 du code du travail est effectué par un employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié résultant d’une suppression d’emploi consécutive notamment à la cessation d’activité de l’entreprise. En outre, selon l’article L 1235-1 du même code, il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur.

Si dans le cas où un salarié fait valoir que le motif de licenciement invoqué par l’employeur dissimule un motif personnel, le juge doit déterminer la véritable cause du licenciement (Soc, 26 mai 1998), et en cas de coexistence de motifs, apprécier le bien fondé du licenciement au regard de la seule cause première et déterminante (Soc, 3 avril 2002), il doit toutefois vérifier au préalable le bien fondé du motif économique invoqué par l’employeur.
Or, sauf si elle est liée à une faute ou à une légèreté blâmable de l’employeur, la cessation complète et définitive d’activité est susceptible de justifier à elle seule le licenciement pour motif économique du salarié.

Cohérent avec la jurisprudence antérieure, il résulte ainsi de l’arrêt que la cour d’appel ne pouvait faire prévaloir le motif tiré de l’état de santé du salarié sans avoir examiné au préalable si le motif économique tiré de la cessation d’activité invoqué par l’employeur ne constituait pas la véritable cause du licenciement.

 

 

 

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