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jurisprudence judiciaire
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médecins libéraux, selarl : les cumuls interdits 

Article rédigé par Alice Agard

Cour d’appel, Fort-de-France, Chambre civile, 14 Décembre 2021 – n° 20/00285

Dans un arrêt en date du 14 décembre 2021, la Cour d’appel de Fort de France a eu l’occasion de statuer sur l’action en concurrence déloyale d’un médecin libéral à l’encontre d’une SELARL de radiologie au sein de laquelle il était encore associé.

En l’espèce, deux médecins avaient constitué en 2006 une SELARL de radiologie dont la patientèle était essentiellement composée de leurs patientèles respectives.

En 2017, l’un d’eux avait été démis de ses fonctions de cogérant sans perdre sa qualité d’associé, mais avait cessé d’exercer son activité au sein de la société.

Ayant poursuivi son activité à titre individuel, l’ancien cogérant a finalement assigné en justice la société aux motifs que celle-ci, en continuant à utiliser son nom sur ses éléments de communication, avait commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme lui causant un préjudice. Débouté de cette demande, le médecin radiologue a fait appel contre la décision du tribunal judiciaire.

De son côté, la SELARL démentait tout acte de concurrence déloyale et sollicitait, à titre reconventionnel l’octroi de dommages et intérêts pour faute de l’ex-cogérant en raison de l’ouverture de son propre cabinet de radiologie.

En premier lieu, la CA se prononce sur la fin de non-recevoir invoquée par la SELARL à l’encontre des demandes du médecin radiologue.

En l’espèce, les statuts de la société se référaient expressément au code de déontologie médicale (codifié en partie à l’article R 4127-56 du CSP) lequel évoque qu’en cas de différend avec un confrère, le médecin a le devoir de rechercher une conciliation « au besoin » par l’intermédiaire du conseil de l’ordre. La SELARL considérait ainsi que le médecin ne s’étant pas soumis à l’obligation de tentative de conciliation préalable à toute saisine de la juridiction, ses demandes étaient irrecevables.

La CA écarte cet argument en considérant que « si la tentative de conciliation est obligatoire, elle n’implique pas nécessaire un recours préalable au conseil de l’ordre des médecins, celle-ci pouvant être concrétisée par un échange de courrier entre les parties », courrier ayant en l’espèce été envoyé par le médecin. Le principe déontologique de recherche de conciliation imposé au médecin ayant été respecté, la Cour considère que les demandes du praticien sont recevables.

En second lieu, la CA se prononce sur la concurrence déloyale et parasitaire invoquée par le médecin.

Elle rappelle d’abord le fondement commun de ces deux actions l’article 1240 du Code civil qui suppose l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.

Elle précise également que ces deux notions doivent être appréciées à l’aune du principe de liberté du commerce et de l’industrie.

En l’espèce, si le départ du médecin radiologue de la SELARL était motivé par la révocation de son mandat de cogérant, il n’avait toutefois pas perdu sa qualité d’associé (alors même que la possibilité pour tout associé de cesser son activité par l’envoi d’une lettre recommandée était prévue par les statuts). Dès lors qu’il avait conservé sa qualité d’associé, rien n’interdisait au praticien de continuer à exercer au sein de la société, à laquelle il continuait de participer aux résultats. Par conséquent, la CA estime que la société était fondée à continuer d’utiliser son nom sur ses pochettes d’examen, ses clichés ou films radiographiques, et ce jusqu’à la perte effective de son statut d’associé. Aucun fait de dénigrement du médecin auprès des patients n’ayant par ailleurs été démontré de la part de la SELARL, aucune concurrence déloyale et parasitaire ne peut lui être reprochée.

En troisième lieu, la CA se penche sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de la SELARL invoquant une faute du médecin.

Le médecin avait ouvert son cabinet de radiologie alors même qu’il était encore associé de la SELARL, à laquelle il avait en outre cédé sa patientèle et s’était interdit d’exercer directement pour son propre compte la profession de médecin radiologue. Au vu de ces constatations, la CA retient l’existence d’une faute commise à l’égard de la société.

Elle considère toutefois que la société ayant continué d’utiliser le nom du docteur sur ses différents documents et ne rapportant par ailleurs aucune preuve d’une désorganisation interne ou d’un détournement de patientèle, en l’absence de préjudice établi (le montant de son endettement ayant même diminué), il ne pouvait lui être octroyé de dommages et intérêts.

En application de l’article R. 4113-3 du Code de la santé publique un médecin ne peut cumuler un exercice en société d’exercice libéral et un exercice à titre individuel.

En l’espèce, la CA de Fort-de-France va plus loin en interdisant de cumuler le statut d’associé d’une société d’exercice libéral et un exercice à titre individuel, or un professionnel, même non exerçant au sein de la société peut détenir une partie du capital d’une société d’exercice libéral.

A cet égard, la solution retenue par la CA de Fort-de-France peut apparaître surprenante, toutefois, cette dernière apparaît particulièrement liée aux faits de l’espèce dans la mesure où le professionnel n’avait pas indiqué qu’il entendait cesser son activité au sein de la société d’exercice libéral.

 

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