Soins psychiatriques sans consentement : des précisions relatives au maintien d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement en cas de lien entre le tiers demandeur et l’établissement d’accueil
Article rédigé par Alice Agard et Nelson Deecke
Cour de cassation, première chambre civile, 14 décembre 2022 (n°21-19.287)
Dans un arrêt en date du 14 décembre 2022, la Première chambre civile de la Cour de cassation a dû se prononcer sur la régularité d’une décision de maintien en hospitalisation complète prononcée par le Juge de la Liberté et de la Détention (« JLD ») à la demande du directeur d’un établissement de santé qui appartient à la même personne morale de droit privé que le tuteur en charge des intérêts de la personne malade et tiers demandeur à l’admission en soins psychiatriques sans consentement.
En l’espèce, le 27 mai 2020, une personne est admise dans un établissement de santé en hospitalisation complète à la demande d’un tiers, sur le fondement de l’article L. 3212-1, II., 1° du Code de la santé publique.
Ce tiers n’est autre que son curateur (devenu le 21 janvier 2021 son tuteur), le service tutélaire de l’Association du Rhône pour l’hygiène mentale (« ARHM »), étant précisé que ce dernier ainsi que l’établissement de santé précité font tous les deux partie de la Fondation AHRM. .
Le 12 février 2021, conformément aux dispositions de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique (« CSP »), le directeur de l’établissement a saisi le JLD d’une demande de maintien de la mesure d’hospitalisation complète, à laquelle celui-ci a fait droit par ordonnance du 25 février 2021..
Le patient a interjeté appel de la décision susvisée, laquelle a toutefois été confirmée par le Premier président de la Cour d’appel de LYON par ordonnance du 11 mars 2021 (n°21/01647).
Ce dernier s’est alors pourvu en cassation aux motifs :
- D’une part, que la décision de maintien en hospitalisation complète prise par un établissement de santé qui relève de la même personne morale de droit privé que le tuteur en charge des intérêts de la personne malade et tiers demandeur à l’admission en soins psychiatriques sans consentement procède d’un conflit d’intérêts et caractérise un manquement à l’exigence d’impartialité et d’indépendance de la part de l’établissement de santé,
- D’autre part, que les certificats médicaux proposant le maintien en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète émanant d’un médecin psychiatre placé sous le même pouvoir hiérarchique que le tuteur en charge des intérêts de la personne malade procède, là encore, d’un conflit d’intérêts et caractérise en conséquence un manquement à l’exigence d’impartialité et d’indépendance.
Pour rappel, si dans le cadre d’une décision d’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers, l’article L.3212-1 exige deux certificats médicaux circonstanciés, dont l’un doit nécessairement être établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade, il en va différemment en cas de demande visant à maintenir la mesure. Aux termes de l’article L.3212-7, est alors requis un certificat médical circonstancié établi par le seul psychiatre de l’établissement d’accueil (ou son avis médical, s’il ne peut être procédé à l’examen de la personne malade), et cela dès lors que la durée des soins n’excède pas une période continue d’un an (le maintien étant auquel cas subordonné à une évaluation médicale approfondie du patient).
Se fondant sur l’article L. 3212-7 du CSP, la Cour de cassation a ainsi rejeté le pourvoi aux motifs que « le tiers à l’origine de la demande d’admission n’intervient pas lors de son maintien, décidé par le directeur d’établissement d’accueil au vu d’un certificat médical circonstancié établi par un psychiatre exerçant dans cet établissement et indiquant si les soins sont toujours nécessaires, de sorte que c’est à bon droit que le délégué du premier président a écarté les irrégularités invoquées au titre des liens pouvant exister entre le tuteur et l’établissement d’accueil ou l’auteur du certificat médical proposant le maintien de l’hospitalisation ».
Ainsi, le tuteur demandeur de soins n’intervenant pas lors de la décision de maintien en soins prise dans le cadre du contrôle semestriel, aucune irrégularité ne pouvait être invoquée au titre d’un conflit d’intérêts.
L’argument invoqué n’en demeure pas moins intéressant, puisqu’il aurait pu davantage prêter à discussion s’il avait été évoqué dans le cadre d’une décision d’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers.
Dans ce cas, l’article L. 3212-1 du CSP exclut en effet la possibilité pour les « personnes soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade » de présenter une demande de soins au directeur d’établissement.
Mais si le curateur hospitalier devenu tuteur exerçait certes au sein de la même structure que les médecins prenant en charge le malade, il reste qu’il ne peut être considéré comme un « personnel soignant ».