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compétence de saisine du juge des référés par l’inspecteur du travail : Les récentes précisions de la chambre sociale 

Article rédigé par Alice Agard et Guillaume Champenois

Cour de cassation, chambre sociale, 7 décembre 2022 (n°21-12.696)

Dans un arrêt en date du 7 décembre 2022, la chambre sociale de la Cour de cassation a pu apporter des précisions relatives à la saisine par l’inspecteur du travail du juge des référés sur fondement de l’article L 4732-1 du code du travail. Elle a en effet considéré que les dispositions du code du travail relatives à la prévention des risques biologiques, dont la méconnaissance peut donner lieu à une telle saisine, étaient applicables à une association d’aide à domicile.

Pour rappel, l’article L 4732-1 du code du travail permet à l’inspecteur du travail de saisir le juge des référés lorsqu’il constate un risque sérieux d’atteinte à l’intégrité d’un travailleur résultant de l’inobservation de certaines dispositions du code du travail, notamment celles relatives à la prévention des risques biologiques. L’article R 4421-1 précise dans son alinéa 1er que les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques sont applicables dans les établissements dans lesquels la nature de l’activité peut conduire à exposer les travailleurs à des agents biologiques. Son alinéa 2 écarte toutefois l’application de certaines de ces dispositions lorsque l’activité « n’implique pas normalement l’utilisation délibérée d’un agent biologique et que l’évaluation des risques prévue au chapitre III ne met pas en évidence de risque spécifique ».

En l’espèce, l’inspecteur du travail avait saisi le juge des référés en considérant que l’association d’aide à domicile n’avait pas pris des mesures suffisantes pour prévenir les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs amenés à être en contact avec des personnes contaminés par la Covid 19. L’association contestait quant à elle la validité du recours, en invoquant notamment l’absence d’utilisation délibérée d’un agent biologique posée par l’article R 4421-1 al2.

Il revenait donc à la Cour de cassation de décider si une association d’aide à domicile relevait des dispositions relatives à la prévention des risques biologiques, entrainant par voie de conséquence la compétence de saisine de l’inspecteur du travail sur ce fondement.

Alors que l’article R 4421-1 était auparavant réservé aux salariés utilisant délibérément des agents biologiques, la Haute juridiction, malgré l’absence d’un tel usage délibéré, valide ici le raisonnement de la Cour d’appel et juge la compétence de l’inspecteur du travail fondé.

Faisant d’abord application du premier alinéa de l’art L 4421-1, elle considère que l’activité d’aide à domicile « pouvait conduire à exposer les salariés qui exécutent les prestations au domicile des clients, dont on ignore s’ils sont contaminés, à des agents biologiques et actuellement au Covid-19 ». Il n’en reste pas moins que les travailleurs d’une association d’aide à domicile peuvent difficilement être considérés comme utilisant délibérément des agents biologiques.

Cela n’arrête pas la Cour, qui relève que le « document unique d’évaluation des risques professionnels » (DUERP) établi par l’employeur lui-même identifiait un risque biologique spécifique lié à l’intervention à domicile pendant une pandémie ou une épidémie en le classifiant de risque mortel. Or, selon la haute juridiction, l’identification d’un risque spécifique permet d’écarter « l’exception prévue à l’alinéa 2 de l’article R 4421-1 », c’est-à-dire la condition tenant à l’usage délibéré de l’agent biologique. Le risque covid-19 ayant bien été identifié comme risque spécifique, il importait peu que les salariés de l’association d’aide à domicile n’emploient pas délibérément d’agents biologiques. Il en résulte que la condition tenant à l’existence d’un risque spécifique suffit désormais à entrainer l’applicabilité des dispositions sur la prévention des risques biologiques.

Enfin, la Cour rappelle que la covid-19 relève bien de la qualification d’agent biologique entrant dans le champ de l’article R 4421-1 du code du travail, puisque « l’objet de l’arrêté du 27 décembre 2017 était, non seulement de fixer les règles de confinement applicables aux laboratoires, mais aussi d’actualiser la liste des agents pathogènes prévue par l’arrêté du 18 juillet 1994 pris en application de l’article R. 4421-4 du code du travail ».

La Haute juridiction en conclut que les dispositions relatives à la prévention des risques biologiques étant applicables au sein de l’association, la Cour d’appel a, à bon droit, déclaré recevable l’action engagée par l’inspectrice du travail.

A noter que le décret du 16 juillet 2021 (Décret n° 2021-951 fixant le cadre applicable des dispositions du code du travail en matière de prévention des risques biologiques dans le cadre de la pandémie) ayant transposé le régime de prévention prévu par l’article R. 4421-1 aux salariés dont l’activité ne relève pas des dispositions relatives à la prévention des risques biologiques, les risques de contentieux se trouvent désormais considérablement limités en la matière.

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