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droit syndicaux à l'épreuve du coronavirus COVID-19
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CONFINEMENT ET DROIT SYNDICAL À L’ÉPREUVE DU COVID-19

Article rédigé le 19 mars 2020 par Me Guillaume Champenois

Comment concilier la libre circulation des représentants syndicaux dans l’entreprise, et de manière générale le droit syndical, avec les mesures de confinement et de limitation des déplacements de toute nature dont ceux de nature professionnelle au sein des structures de soins ? En appliquant le Décret du 16 mars 2020 et en s’efforçant de mettre à la disposition des IRP et des organisations syndicales les moyens techniques leur permettant de poursuivre leur mission de représentation des salariés.

 

Par un Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 publié au journal officiel le 16 mars 2020, le gouvernement entend restreindre les déplacements des français et les inciter à rester à leur domicile.

 

Que dit le Décret ?

L’article 1 de ce Décret énonce :

« Afin de prévenir la propagation du virus covid-19, est interdit jusqu’au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l’exception des déplacements pour les motifs suivants, dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes :

1° Trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ;

2° Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique ;

3° Déplacements pour motif de santé ;

4° Déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance des personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants ;

5° Déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie.

Les personnes souhaitant bénéficier de l’une de ces exceptions doivent se munir, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions. »

 

L’interdiction de circuler, et l’obligation corrélative de rester à domicile, instaurée par l’article 1 de ce Décret s’applique à tout travailleur, quel que soit son secteur d’activité, public ou privé, ses fonctions, sans qu’importe que ledit travailleur soit investi ou non d’un mandat syndical ou de participation à une quelconque institution représentative du personnel.

 

Ce texte ne prévoit nullement une quelconque exception pour celles et ceux qui sont investi d’un mandat syndical ou pour les institutions représentatives du personnel.

De fait, si chaque salarié investi d’un mandat syndical n’est dépossédé ni de ses missions de représentation du personnel ni de ses prérogatives pour pouvoir assurer lesdites missions, il doit néanmoins se plier à cette contrainte de devoir travailler à distance et donc en télétravail.

 

Une limitation logique de la liberté de circulation

Un représentant syndical peut-il arguer de ce qu’il a le droit de librement circuler dans l’entreprise pour passer de service en service échanger avec les équipes de soins ?

Il nous semble que la réponse soit négative.

En effet, plus que dans toute autre entreprise, tout salarié dont la présence n’est pas indispensable à la prise en charge d’un usager, d’un patient ou d’un résident au sein d’un établissement sanitaire ou médico-social, doit impérativement basculer en télétravail.

Or, le salarié en décharge totale d’activité n’est pas indispensable à la prise en charge d’un usager (patient ou résident) puisque, comme son nom l’indique, il est déchargé de toute activité professionnelle pour lui permettre de se consacrer entièrement à ses missions de représentation du personnel. La même restriction s’applique au salarié ou agent public qui est investi d’un mandat sans pour autant être en décharge totale ou partielle d’activité et qui ne serait pas indispensable à la prise en charge des usagers.

L’objectif ici est notamment d’éviter que les personnels soignants contractent le COVID-19.

Au-delà des mesures règlementaires issues du Décret du 16 mars 2020, il convient de rappeler que l’employeur a une obligation de résultat en matière de santé au travail et que le fait de circuler de service en service peut conduire à transmettre le COVID-19 ou à le contracter.

Sauf à ce que les représentants syndicaux bénéficient de toutes les protections nécessaires à la préservation de leur santé (masque, combinaison, charlotte, gants), Il y a une incompatibilité entre les mesures visant à réduire l’épidémie et ce droit à la libre circulation dans les locaux de l’entreprise ou de l’hôpital public.

De fait, on peut faire le constat que le risque sanitaire induit une limitation des prérogatives conférées à la représentation du personnel au sens large dont celle de la libre circulation dans l’entreprise.

En contrepartie, l’employeur doit s’efforcer de mettre en œuvre tous les moyens techniques permettant aux représentants du personnel de continuer à assurer leur mission à distance, demeurer à l’écoute des équipe et ainsi, leur permettre de faire remontrer à l’employeur telle ou telle information.

 

Tous les efforts doivent être fait pour permettre la tenue des réunions du CSE, de la CSSCT, du CHSCT et du CTE à distance

Pour ce qui concerne la question du maintien ou non des réunions des IRP (CSE, CSSCT, CHSCT, CTE, CME, etc….), les dispositions règlementaires de restriction des déplacements n’emportent pas suspension du droit applicable ressortant du Code du travail et du Code de la santé publique.

L’actuelle crise sanitaire ne saurait constituer un motif pour réduire à peau de chagrin la représentation des personnels. Ce n’est ni la logique ni la lettre des dispositions réglementaires issues du Décret du 16 mars 2020. Ce serait totalement inacceptable.

Cependant, le risque sanitaire doit conduire à demeurer prudent dans l’intérêt même des membres de ces institutions représentatives du personnel.

C’est ici à l’employeur d’initier toute démarche permettant la continuité de la représentation des personnels et le schéma de réunions se tenant en visioconférence est bien le schéma le plus opportun. Les réunions physiques doivent être reportées sauf urgence et caractère impératif de la tenue de la séance ou réunion.

Enfin, sachez qu’un projet de Loi est en cours d’adoption qui donne habilitation au gouvernement pour légiférer par voie d’ordonnance et notamment en droit du travail et droit de la sécurité sociale.

Plus d’information

Guillaume CHAMPENOIS est associé et responsable du pôle social – ressources humaines au sein du Cabinet.

Il bénéficie de plus de 16 années d’expérience dans les activités de conseil et de représentation en justice en droit de la fonction publique et droit du statut des praticiens hospitaliers.

Expert reconnu et formateur sur les problématiques de gestion et de conduite du CHSCT à l’hôpital, il conseille les directeurs d’hôpitaux au quotidien sur l’ensemble des problématiques statutaires, juridiques et de management auxquels ses clients sont confrontés chaque jour.

Il intervient également en droit du travail auprès d’employeurs de droit privé (fusion acquisition, transfert d’activité, conseil juridique sur des opérations complexes, gestion des situations de crise, contentieux sur l’ensemble des problématiques sociales auxquelles sont confrontés les employeurs tant individuelles que collectives).