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jurisprudence judiciaire
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hospitalisation sans consentement : le défaut d’information de la commission départementale peut entrainer la mainlevée de la mesure 

Article rédigé par Alice Agard et Laurent Houdart

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 18 janvier 2023, n°21-21.370 

Dans un arrêt en date du 18 janvier 2023, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a jugé que le défaut d’information de la commission départementale des soins psychiatriques des décisions d’admission peut porter atteinte aux droits de la personne concernée et justifier une mainlevée de la mesure de soins psychiatriques sans consentement.  

Pour rappel, les commissions départementales des soins psychiatriques, composées de façon mixte de médecins et représentants d’associations, tiennent un rôle non négligeable en matière de soins psychiatriques sans consentement. En effet, celles-ci peuvent non seulement proposer au juge des libertés et de la détention (JLD) de lever la mesure de soins dont une personne fait l’objet, mais encore demander au directeur de l’établissement de prononcer la levée de la mesure, lequel doit alors accéder à sa demande.

En l’espèce, une femme a fait l’objet d’une admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète le 8 avril 2021, par décision du directeur d’établissement et à la demande d’un tiers, sur fondement de l’article L. 3212-3 du code de la santé publique (CSP).
Le 14 avril 2021, le directeur de l’établissement a saisi le JLD d’une demande de poursuite de la mesure sur le fondement de l’article L. 3211-12-1.
La personne concernée s’est alors prévalue de l’irrégularité de la décision de placement en faisant valoir l’absence d’information de la commission départementale des soins psychiatriques quant à sa situation.

Le premier président de la cour d’appel de Saint-Denis décide de maintenir la mesure d’hospitalisation sans consentement en indiquant que l’avis avait été effectué dès la décision d’admission, tout en notant que dans les faits, une telle commission n’était pas “mise en œuvre” à La Réunion et qu’il faudrait qu’elle soit “effective” dans l’année pour garantir un moyen de contrôle ou de recours aux personnes malades.

La personne concernée par la mesure forme alors un pourvoi en cassation, reprochant à l’ordonnance de maintenir la mesure d’hospitalisation complète. Elle invoque d’une part la contradiction dans les motifs de celle-ci, violant l’article 455 du Code de procédure civile (CPC) et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme, et d’autre part, l’existence d’un grief du fait que la commission départementale aurait pu intervenir en sa faveur et permettre la mainlevée de son hospitalisation.

En résulte une double cassation.

La Haute juridiction relève d’abord une contradiction dans les motifs de l’ordonnance. Celle-ci avait en effet constaté l’absence de commission départementale à la Réunion, tout en retenant que l’avis avait été effectué, l’ARS s’auto-avisant.
Si une lecture stricte de l’article 455 conduisait bien à une contradiction de motifs, le recours à l’avis de l’ARS semblait le seul palliatif à l’absence de commission départementale, – une absence que dénonçait justement le premier président, en pointant du doigt la nécessité de mettre en œuvre cette commission pour garantir le droit de recours des patients hospitalisés sous contrainte.

Dans un second temps, la Cour de cassation prononce une violation de la loi.
L’ordonnance avait en effet écarté le grief tenant au défaut d’information de la commission, en retenant que celle-ci a seulement la possibilité d’interpeller ou de donner un avis sans pouvoir se saisir d’elle-même en l’absence de demande spécifique. En l’absence d’atteinte aux droits de la personne, l’irrégularité ne pouvait donc entrainer automatiquement la mainlevée de la mesure.

Or, au visa des articles L. 3223-1, L. 3212-9 et L. 3216-1 al2, la Haute juridiction rappelle que la commission départementale peut proposer au JLD d’ordonner la levée d’une mesure de soins psychiatriques et peut également demander au directeur de l’établissement de prononcer la levée d’une telle mesure, lequel est alors tenu d’accéder à sa demande.
Il découle de ces pouvoirs de la commission départementale que son défaut d’information quant aux décisions d’admission peut porter atteinte aux droits de la personne concernée, et peut ainsi, conformément à l’article L. 3216-1 al2, justifier une mainlevée de cette mesure.

La mise en garde est claire : la mise en place effective de commissions départementales prévues par les textes est indispensable, puisqu’à défaut d’information de celles-ci, une atteinte aux droits de la personne hospitalisée sans consentement pourra être caractérisée et justifier une mainlevée de la mesure.

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