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GHT un outil juridique et financier mineur par rapport au GCS ?
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GHT : UN OUTIL JURIDIQUE ET FINANCIER MINEUR PAR RAPPORT AU GCS ?

Article rédigé le 7 mai 2019 par Stéphanie Houdart

Si le GCS est doté d’une force juridique et financière supérieure au GHT, ces deux outils majeurs ne doivent-ils pas plutôt qu’entrer en concurrence s’articuler pour une restructuration intelligente et décloisonnée des territoires ?

 

L’exemple du GCS Hauts de Seine Centre : Faut-il tuer un Groupement de Coopération Sanitaire pour que vive un Groupement Hospitalier de Territoire ? 

 

Ce sont les deux outils phares des restructurations hospitalières : le GCS est né en 1996, et le GHT vingt ans plus tard.

Si le premier est doté de la personnalité morale, le second en reste dépourvu.

L’adhésion à un GHT est obligatoire pour chaque établissement public de santé (sauf exception prévue par la loi) alors que la création d’un GCS reste du ressort de la volonté (plus ou moins guidée) de ses membres.

Le GCS est avant tout un instrument de coopération entre acteurs de statuts divers quand le GHT est un instrument de restructuration et d’organisation de l’offre hospitalière publique sous la gouverne de l’établissement support.

 

Des outils juridiques complémentaires, concurrents ou rivaux ?

 

Les GCS ont connu un développement significatif sur nombre de territoires encadrant des partenariats plus ou moins intégrés, réunissant des établissements de santé, publics, ESPIC, privés commerciaux, des professionnels libéraux, des EPHAD, des collectivités …les initiatives ne manquèrent ni d’originalité ni d’audace.

Lorsque la logique des GHT s’est imposée, nous avons, à plusieurs reprises dans ces colonnes, alerté sur le risque de conflits d’intérêts : intérêts prévalant au sein de la filière publique et ceux sous-tendant les coopérations préexistantes entre hôpitaux et partenaires privés exclus des GHT.

Qui alors l’emporterait ?

La force des engagements juridiques conclus au sein d’une convention constitutive de GCS s’imposerait-elle aux nouvelles obligations tirées de l’adhésion aux GHT ?

La loyauté contractuelle dont est redevable un établissement public de santé membre d’un GCS était-elle désormais soumise à la compatibilité des obligations souscrites avec celles résultant de la convention de GHT auquel il adhérait et en particulier avec les orientations du projet médical partagé ?

Cette question n’a évidemment pas été réglée directement par le législateur ou le pouvoir réglementaire. Elle est parfois abordée dans les conventions de GHT sous la forme d’un engagement de mener les partenariats avec des structures tierces dans le respect des actions conduites dans le Groupement Hospitalier de territoire et d’une obligation de se mettre à bref délai en conformité.

 

La réussite d’un GHT peut-elle imposer la dissolution d’un GCS ?

 

Aussi l’illustration apportée à ces conflits d’intérêts par le GCS « Hauts de Seine Centre » est-elle tout à fait instructive.

En bref, le 28 juin 2016 est constitué [dt_tooltip title=”un GHT « des Hauts de Seine » “] Y adhèrent également le centre hospitalier de Courbevoie-Neuilly-Puteaux, le centre gérontologique  Les Abondances à Boulogne- Billancourt et la Fondation Roguet à Clichy. [/dt_tooltip]dont le centre hospitalier des Quatre Villes est désigné comme établissement support.

Y participe le Centre hospitalier départemental Stelle de Rueil Malmaison (CHDS).

Ce dernier et l’Hôpital Foch (par ailleurs associé au GHT), à très grande proximité géographique, signent une convention constitutive de GCS « Hauts-de-Seine Centre » approuvée par arrêté du Directeur général de l’ARS Ile-de-France le 17 mars 2017. Ce GCS vise à la mutualisation de moyens logistiques, de ressources humaines, à la réalisation des prestations médicales croisées, mais aussi à l’organisation de filières de soins, et à favoriser une plus grande fluidité des parcours.

Dans un rapport du 12 décembre 2018, la Chambre régionale des comptes d’Ile-de-France consacré au CHDS « identifie un risque potentiel de divergence d’intérêts entre les membres fondateurs du GHT et certains associés dont l’Hôpital Foch qui est fondateur d’un GCS avec le CHDS. A titre d’exemple, le projet médical partagé du GHT précise explicitement « Privilégier une prise en charge cardiologique en intra GHT », le CH de Stell étant en aval des prises en charge de cardiologie des établissements du GHT alors qu’il constitue un débouché d’aval de l’hôpital de Foch avec lequel il a constitué un GCS » (p.18).

Or aux termes du rapport, le GCS disposant de la personnalité morale, « La force juridique et financière du GCS devrait l’emporter sur le GHT »…

En d’autres termes et selon notre compréhension de cette tournure elliptique, si la divergence d’intérêts était avérée, alors le CHSD se verrait contraint de faire prévaloir ses accords au sein du GCS au détriment du GHT et de la filière publique.

Une telle analyse est discutable car d’une part les obligations à la charge des établissements publics de santé en tant que membres des GHT sont non seulement de nature contractuelle mais surtout légales et réglementaires, mais en outre elles dépendent étroitement des clauses prévues au sein de la convention constitutive du GCS.

La solution trouvée par les parties fut définitive : la dissolution du GCS par arrêté du 7 janvier 2019 de M. le Directeur de l’offre de soins de l’Agence régionale de santé à la demande conjointe de ses membres.

L’histoire ne dit pas si l’hôpital Foch a montré une quelconque résistance alors même qu’il a participé à la constitution en septembre 2017 d’un groupement hospitalier privé d’intérêt collectif, l’Alliance hospitalière de l’Ouest parisien avec pour ambition de proposer une offre de proximité complète dans toutes les grandes spécialités chirurgicales et médicales…

 

Sortir de la logique de cloisonnement pour enfin embrasser la logique territoriale et utiliser toutes les opportunités offertes par le GHT et le GCS

 

Surtout, et nous ne le dirons jamais assez, les GHT ne doivent pas conduire à un cloisonnement et un repli de la filière publique qui seront à terme contraires aux intérêts qu’ils sont censés défendre.

Les instruments juridiques à disposition permettent dès à présent d’articuler les coopérations public/privé nécessaires voir inévitables sur certains territoires avec ces nouvelles organisations de l’offre publique. Il s’agit donc moins d’une question politique que de droit.

Mais la confrontation entre GCS et GHT révélée dans cette affaire doit amener à une autre réflexion plus intéressante que la Chambre régionale des comptes effleure.

Que l’absence de personnalité morale handicape les GHT pour mener à bien ou sécuriser certaines opérations d’envergure, nous l’avons à maintes reprises relever.

Cet état de droit conduit à hypertrophier le rôle de l’établissement support qui endosse une responsabilité qui pourrait être confiée au GHT s’il disposait d’une personnalité juridique et à écarter toute véritable coopération entre les membres au bénéfice d’une logique de transfert de pouvoirs.

Et lorsque la Chambre régionale des comptes écrit : « Le GCS présente des atouts juridiques que ne possède pas en l’état actuel du droit le GHT. La Chambre estime qu’un GCS regroupant l’ensemble des établissements du GHT serait innovant et inédit dans le paysage hospitalier francilien », elle invite à recourir au GCS comme bras armé des GHT.

Les récentes évolutions du régime des GHT ne permettent pas aux acteurs de se priver d’une telle réflexion.

La route est toujours plus longue quand la voie n’est pas tracée.

Stéphanie BARRE-HOUDART est associée et responsable du pôle droit économique et financier et co-responsable du pôle organisation sanitaire et médico-social.

Elle s’est engagée depuis plusieurs années auprès des opérateurs du monde public local et du secteur sanitaire et de la recherche pour les conseiller et les assister dans leurs problématiques contractuelles et financières et en particulier :

- contrats d’exercice, de recherche,

- tarification à l’activité,

- recouvrement de créances,

- restructuration de la dette, financements désintermédiés,

- emprunts toxiques

Elle intervient à ce titre devant les juridictions financières, civiles et administratives.

Elle est par ailleurs régulièrement sollicitée pour la sécurisation juridique d’opérations complexes (fusion, coopération publique & privée) et de nombreux acteurs majeurs du secteur sanitaire font régulièrement appel à ses services pour la mise en œuvre de leurs projets (Ministères, Agences Régionales de Santé, financeurs, Etablissements de santé, de la recherche, Opérateurs privés à dimension internationale,…).