Scroll Top
Article 8 - Ma Santé 2022 - Hôpitaux de proximité
Partager l'article



*




Dans son rapport 2018 « Contribution à la transformation du système de santé », le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) proposait[1]l’organisation d’un maillage de centres hospitaliers communautaires de statut public ou privé.

 

« Il est indispensable de développer (et cela peut compenser localement, en termes de ressources humaines, la fermeture de certains plateaux techniques) des établissements de santé communautaires assurant une ligne d’hospitalisation de premier recours, au service des médecins de ville, bien intégrés dans leur environnement, principalement axés sur la médecine polyvalente et la filière gériatrique (court séjour, SSR, USLD, EHPAD, équipes mobiles…), pouvant servir de point d’appui à la régulation des soins non programmés et des urgences, avec le cas échéant un plateau d’imagerie de proximité et de biologie de routine, et pouvant comporter, en fonction des spécificités territoriales, un centre de suivi de grossesse de proximité.

A l’heure actuelle, plus de 500 établissements de santé (au sens de site géographique) n’assurent en court séjour qu’une activité de médecine (dont 383 dans le secteur public). Compte tenu de certaines restructurations et réorganisations d’activité en cours ou à envisager, ce nombre pourrait, dans les années à venir, se situer entre 550 et 600 entités constituant un maillage dense du territoire en centres hospitaliers communautaires, de statut public ou privé. »

 

On peut penser que la notion d’hôpital de proximité qui a été introduit dans le projet de loi afin que le gouvernement publie une ordonnance définissant leur rôle et leur gouvernance s’inspire de cette proposition du HCAAM.

 

Les hôpitaux de proximité existaient déjà dans une définition essentiellement financière

 

L’article L. 6111-3-1, qui a été introduit dans le code de la santé publique par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 indique que ce sont des établissements de santé publics ou privés qui contribuent à l’offre de soins de première recours grâce aux coopérations avec les structures et les professionnels de médecine ambulatoire et les établissements et services médicaux sociaux. Ils exercent une activité de médecine et de soins de suite et de réadaptation.

 

La liste des hôpitaux de proximité est arrêtée par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale sur proposition du directeur général de l’ARS. Les critères permettant de classer un établissement de santé comme hôpital de proximité sont précisément définis aux articles R. 6111-24 et suivants du code de la santé publique. 243 établissements de tout statut sont répertoriés comme étant des hôpitaux de proximité. Le financement de ces établissements[2]est dérogatoire comparativement aux autres établissements de santé. Ils bénéficient d’une dotation annuelle leur garantissant un revenu sur la base de leurs recettes historiques et de la fragilité de leur territoire.

 

Le projet de loi définit un nouveau cadre pour les hôpitaux de proximité

 

Le projet de loi prévoyait d’habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance. Tout en maintenant cette habilitation pour la majeure partie des dispositions sur lesquelles le Gouvernement sera amené à légiférer dans les 18 mois qui suivront la publication de la loi d’habilitation, le texte issu de la première lecture à l’Assemblée nationale modifie l’article L. 6111-3-1 et introduit une définition rénovée de ces hôpitaux de proximité.

 

Comme précédemment, les hôpitaux de proximité peuvent être des établissements publics ou des établissements privés. Ils pourront aussi, ce qui est nouveau, être « des sites géographiques de ces établissements ». Cette possibilité devrait permettre d’adapter l’organisation de cette offre de soins aux besoins des territoires.

 

Ils seront amenés à fonctionner étroitement avec les professionnels de ville et notamment pour « poursuivre la prise en charge de leurs patients lorsque leur état le nécessite ».La formulation d’un possessif : « leurs patients » (les patients des professionnels de ville) introduit une notion nouvelle dans le code de la santé. Si l’expression de cette possession est largement répandue dans le langage commun des professionnels, (« C’est mon patient »), sauf erreur de notre part (nous n’avons pas relu la totalité du code) on ne trouvait pas jusqu’alors une telle formulation dans notre corps législatif. Il serait heureux que lors de l’examen au Sénat cette formulation soit réécrite.

 

Les hôpitaux de proximité « favorisent la prise en charge des personnes en situation de vulnérabilité et leur maintien dans leur lieu de vie, en liaison avec le médecin traitant de ceux-ci ».Cette mission renforce leur ancrage dans le tissu territorial.

 

Ils « participent à la prévention et à la mise en place d’actions de promotion de la santé sur le territoire ».

 

Les activités que les hôpitaux peuvent exercer sont précisément définies : « ils exercent (obligatoirement une activité de médecine, qui comprend, le cas échéant, des actes techniques », avec des consultations de plusieurs spécialités. Ils « n’exercent pas d’activité de chirurgie ni d’obstétrique ». Ils peuvent avoir un plateau d’imagerie et de biologie ou donner accès à ces plateaux. Ils n’exercent pas d’activités de chirurgie ni d’obstétrique. Ils peuvent aussi, « A titre dérogatoire …, pour favoriser l’accès aux soins et au regard des besoins de la population et de l’offre de soins présente sur le territoire concerné » pratiquer « certains actes chirurgicaux » sur décision du directeur général de l’ARS. Les conditions de cette dérogation seront fixées par décret en Conseil d’Etat. La liste limitative de ces actes chirurgicaux sera fixée par arrêté du ministre après avis conforme de la HAS.

 

Par ailleurs, « en fonction des besoins de la population et de l’offre de soins présente sur les territoires sur lesquels ils sont implantés »,les hôpitaux de proximité exercent notamment la médecine d’urgence, les activités pré et postnatales (c’est-à-dire être un centre périnatal de proximité) et les services de soins de suite et de réadaptation, ainsi que les activités de soins palliatifs.

 

Sur les autres aspects du dispositif, qui devrait entrer en vigueur au plus tard le 1erjanvier 2021, le Gouvernement est appelé à publier une ordonnance qui devrait permettre la mise en œuvre les dispositions affirmées dans l’habilitation.

 

C’est ainsi que la future loi devra « déterminer les modalités selon lesquelles la liste des établissements de santé de proximité est établie par l’autorité compétente ».

 

Quels pourront être les établissements labélisés « hôpitaux de proximité » ?

 

Le dossier de presse accompagnant le discours du Président de la République le 18 septembre 2018 annonçait que l’objectif était de labéliser 500 à 600 hôpitaux de proximité à l’échéance de 2022. Il est évident que les ARS devraient avoir un rôle déterminant dans cette procédure. D’autant que de nombreux établissements de santé qui pourraient devenir hôpitaux de proximité ont aujourd’hui une activité d’obstétrique ou/et de chirurgie et que l’attribution de ce « label » accompagnera souvent la restructuration de l’offre de soins.

 

Même si la tonalité générale de présentation de la mesure a semblé considérer que les hôpitaux de proximité seraient des établissements publics de santé, on peut penser que pourront être labélisés « hôpitaux de proximité » des établissements privés, la loi d’habilitation prévoyant même que « des structures dépourvues de la personnalité morale et partie d’une entité juridique » pourront aussi bénéficier de ces dispositions. On peut donc imaginer que des entités dépendant d’un établissement de santé public, par exemple après une fusion d’établissements, ou rattachée à un établissement privé, puisse bénéficier de cette identification d’hôpital de proximité. Se posera toutefois la question de la gouvernance de ces hôpitaux ne disposant pas de personnalité morale.

 

Quelle gouvernance ?

 

La future loi devra « définir les modalités de financement, d’organisation, de fonctionnement et de gouvernance de ces établissements, notamment en ouvrant leur gouvernance à d’autres catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné ».

 

Le dossier de presse de septembre 2018 avait indiqué que l’ouverture de ces hôpitaux de proximité sur la ville « se concrétisera, au-delà de l’association des médecins de ville à leurs équipes médicales, par la participation de représentants des CPTS à leur commission médicale d’établissement (CME) et à leur conseil de surveillance ».

 

Les médecins de ville qui participent aujourd’hui à l’activité des « petits » hôpitaux participent souvent déjà à sa gouvernance à travers la représentation de la commission médicale d’établissement. Cette relation entre l’offre de soins de ville et l’offre de soins hospitalière devrait donc être renforcée.

 

Quel statut juridique pour les hôpitaux de proximité ?

 

Les hôpitaux de proximité ayant le statut d’établissement public vont se trouver à l’intersection entre les Communautés hospitalières de territoire et les Communautés professionnelles de territoire. Il sera nécessaire que ces établissements conservent leurs liens au sein des GHT si on veut faciliter la restructuration nécessaire de l’offre de soins : organisation des transferts des autorisations ; gestion des carrières des personnels médicaux et non médicaux relevant de la fonction publique hospitalière. L’organisation de l’implication des professionnels de ville dans les structures privées appelées à remplir cette fonction de proximité dépendra du cadre juridique de la personnalité morale « porteuse » (association, fondation, société commerciale), sauf à définir un nouveau cadre juridique ; démarche qu’il faudra aborder avec prudence, tant nous avons parfois constaté qu’inventer des structures spécifiques dans le domaine de la santé pouvait présenter plus d’inconvénients[3]que de laisser les professionnels choisir dans un arsenal juridique déjà fort nourri l’organisation la mieux adaptée à leurs besoins.

 

Quelle que soit le statut juridique des structures appelées à jouer ce rôle de proximité, l’implication de ces hôpitaux dans l’organisation territoriale graduée et coopérative, définie dans le Projet territorial de santé prévu à l’article 7 de la loi, sera absolument déterminante.

 

 


 

 

[1]Page 39 du rapport

[2]Article R. 162-33-20 du code de la sécurité sociale

[3]Cf. les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA)

Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.

Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.

Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.

Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.