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PUI GHT et TVA
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PUI ET GHT : TVA ET ASPECTS FISCAUX

Article rédigé le 06 novembre 2020 par Me Liselotte Larue

Dans notre article du 18 octobre 2020, nous étions revenus sur les outils juridiques permettant l’ « organisation en commun » de la pharmacie au sens des articles L. 6132-3 et L. 5126-2 du code de la santé publique. Nous avions insisté sur la nécessité de ne pas confondre mode d’organisation et outils juridique. Si une liberté dans le choix dudit outil juridique est laissée par le législateur, les impacts fiscaux ne sauraient être négligés.

Mais quels sont les impacts fiscaux, et en particulier s’agissant de la TVA, de cette « organisation en commun » dans un groupement hospitalier de territoire dépourvu de personnalité morale (article L. 6132-1 du code de la santé publique ), absence de personnalité morale voulue par le législateur au regard de la dénonciation par certains de la dilution des responsabilités et des lourdeurs administratives des coopérations donnant lieu à la création d’une nouvelle personne morale ?

Actuellement, les opérateurs se situent dans une situation d’insécurité juridique.

 

1ère piste de réflexion : l’absence de personnalité morale

 

Pourrait-on soutenir un non-assujettissement au regard de l’absence de personnalité morale ?

Le droit fiscal s’est d’ores-et-déjà prononcé sur l’application éventuelle de la TVA à des structures dépourvues de personnalité morale : les sociétés en participation et les sociétés créées de fait.

Dans le cadre de ces structures, l’administration fiscale distingue les « opérations externes » des « opérations internes ».

S’agissant des opérations externes, les sociétés en participation et les sociétés créées de fait étant dépourvues de personnalité morale, elles ne peuvent en principe agir commercialement ou civilement en tant que telles. Toutefois, d’un point de vue fiscal, une fiction de personnalité propre leur est reconnue par la doctrine et la jurisprudence.

Pour cette dernière, ces structures constituant une forme de société, elles doivent être traitées de manière distincte de leurs associés. Ces opérations externes, c’est-à-dire avec des tiers autres que les associés, si elles consistent en une des activités économiques visées à l’article 256 A du code général des impôts, peuvent ainsi être imposées à la TVA.

Par contre, les mouvements financiers internes ne constituent pas des opérations imposables à la TVA. Les livraisons et les prestations de services que les associés sont amenés à se rendre et qui participent au prix de revient de l’activité commune (exemple : frais engagés par un membre et qui viennent s’inscrire au débit du compte d’exploitation de la société) perdent à raison de la personnalité fiscale de la société leur caractère d’opérations réalisées entre entités juridiques distinctes pour devenir de simples « opérations internes » à la société.

Cette solution pourrait-elle être transposable aux GHT et aux pôles inter-établissements en ce qu’ils constituent en réalité une organisation par voie de convention ?

Rien n’est moins sûr ; seule la saisine de l’administration fiscale par la voie d’un rescrit pourrait l’affirmer.

« Les activités économiques visées au premier alinéa se définissent comme toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées. Est notamment considérée comme activité économique une opération comportant l’exploitation d’un bien meuble corporel ou incorporel en vue d’en retirer des recettes ayant un caractère de permanence. »

 

2ème piste de réflexion : les dispositions du CGI prévoyant une exonération

 

Existe-t-il une disposition permettant de conclure au non-assujettissement à la TVA d’une « PUI de GHT » ?

Sur le fondement des dispositions de l’article 256 du Code Général des Impôts[1], sont assujetties à la TVA les opérations (livraisons de biens ou prestations de services) effectuées à titre onéreux (existence d’une contrepartie quelle qu’elle soit) par un assujetti agissant en tant que tel, c’est-à-dire par une personne physique ou morale effectuant des activités économiques de manière indépendante.  Par exception, et sur le fondement de l’article 256 B du même Code[2], les organismes de droit public ne sont pas considérés comme des assujettis pour les activités ou opérations qu’ils accomplissent en tant qu’autorités publiques, sauf si leur non-assujettissement conduit à des distorsions de concurrence.

Ainsi, les activités, notamment de soins, des établissements publics de santé se situent hors du champ d’application de la TVA. Cela concerne notamment les frais de traitement.

Toutefois, les exceptions doivent être interprétées strictement, le principe demeurant celui de l’assujettissement à la TVA.

Ainsi, à titre d’exemple, si les médicaments et dispositifs médicaux stériles ne sont pas assujettis à la TVA lorsqu’ils sont fournis au cours de l’hospitalisation du patient (c’est-à-dire dans le cadre d’une facturation d’un GHS), l’activité de rétrocession hospitalière prévue à l’article L. 5126-4 du Code de la santé publique est assujettie à la TVA comme suit :

Prix de cession = Prix de vente (déclaré par l’entreprise au Comité économique des produits de santé) HT + TVA + Marge fixée par arrêté des ministres chargés de la santé  

 

En effet, le Fiche n° 9 « La TVA dans les établissements publics de santé » indique que :

« Les ventes de médicaments à des patients ambulatoires dans les pharmacies à usage intérieur des établissements sont des activités qui ne sont pas étroitement liées à l’hospitalisation et aux soins. Dès lors, l’établissement public de santé qui exerce cette activité est assujetti à la TVA dans les conditions de droit commun, au même titre que les officines privées ».

Partant, quel que soit l’outil juridique envisagé, l’activité de la PUI d’un GHT semble être assujettie à la TVA, sauf à trouver une disposition permettant d’y échapper.

Or, l’activité de délivrance de médicaments par une pharmacie à usage intérieur est, pour l’heure, considérée par l’administration fiscale comme une livraison de bien, et non comme une prestation de service. La PUI ne peut ainsi pas bénéficier de l’exonération prévue à l’article 261 B du code général des impôts.

Ensuite pourrait être mobilisée la théorie des débours prévue à l’article 267 II 2° du code général des impôts. Dans ce cadre, les remboursements doivent correspondre à des dépenses qui ont été engagées au nom et pour le compte du commettant. En d’autres termes, l’intermédiaire (la PUI du GHT) doit apparaitre clairement comme le représentant des commettants (les établissements membres). Dans le cadre d’une activité de PUI, cela semble impliquer que les consommables soient directement affectés à l’établissement.  Peut-être cette théorie serait-elle applicable à la coopération « pour le compte de », dispositif créé par l’ordonnance du 15 décembre 2016 (article L. 5126-1 II du code de la santé publique).

Enfin, pourrait être mobilisé le principe selon lequel n’est pas assujettie à la TVA une livraison de bien qui serait étroitement liée à l’activité de soins elle-même non-assujettie à la TVA. Toutefois, force est de constater que la mise en œuvre de ce principe nécessite que la délivrance de médicaments intervienne dans le cadre d’une continuité thérapeutique, en d’autres termes, dans un même trait de temps.

Ce qui sera à démontrer…

 

À ce stade de l’évolution législative et jurisprudentielle, la seule façon de sécuriser juridiquement le montage est de saisir l’administration fiscale d’un rescrit sur le fondement de l’article L. 80 du livre des procédures fiscales.

Ayant une parfaite maîtrise et connaissance du droit de la responsabilité administrative, civile et pénale ainsi qu’une fine connaissance de la procédure par son expérience en juridiction, elle met aujourd’hui son expertise au service d’établissements publics de santé et d’établissements publics de l’Etat à résonance nationale. À titre d’exemple, elle conseille et accompagne plusieurs établissements publics sur des problématiques d’amiante aux côtés de maître Pierre-Yves FOURE, associé du Cabinet.

Aux côtés, de Maître Pierre-Yves FOURE, associé du Cabinet, elle pratique régulièrement le droit pénal tant devant les juridictions d’instruction, notamment au pôle santé et financier du Tribunal de Grande Instance de Paris, que devant les juridictions de jugement pour des affaires d’homicides et blessures involontaires, de mise en danger de la vie d’autrui, ainsi qu’une activité de conseil et de représentation en justice en droit la presse (diffamation, droit de réponse et rectification & loi 29 juillet 1881)..

Elle accompagne également les établissements publics de santé, les groupements établis dans le domaine sanitaire, et les établissements publics de l’État dans leurs relations avec l’administration fiscale et le conciliateur fiscal en matière de Taxe sur la Valeur Ajoutée, d’Impôt sur les sociétés, de Taxe foncière….. Elle apporte enfin son expertise en matière de restructurations sanitaire et médico-sociale (fusion, transfert d’activité, coopération) s’agissant des questions spécifiques de fiscalité.