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Interoperabilite condition pour obtenir 2 milliards d euros
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L’INTEROPÉRABILITÉ: CONDITION POUR BÉNÉFICIER DES 2 MILLIARDS D’EUROS

Article rédigé le 06 novembre 2020 par Me Laurence Huin

Alors que les acteurs du secteur de la santé et du secteur médico-social attendent avec impatience les modalités pratiques sur les investissements annoncés dans le cadre du Ségur et alloués pour le numérique à hauteur de 2 milliards d’euros, une nouvelle exigence, issue du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, vient d’ores et déjà conditionner ces crédits : l’interopérabilité.

L’interopérabilité comme condition d’attribution de fonds publics

Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale, est venu conditionner le financement des dépenses engagées pour la transformation et la modernisation des systèmes informatiques à une exigence d’interopérabilité des logiciels informatiques (amendement n°2655 adopté). Dans le même sens, un autre amendement (n°2656 porté à nouveau par la députée Stéphanie Rist) offre la possibilité aux établissements publics de santé, lorsqu’ils utilisent des financements alloués par le FMIS (fonds pour la modernisation et l’investissement en santé), de refuser le paiement de la facture lors de l’achat de logiciels informatiques qui ne respecteraient pas les référentiels d’interopérabilités.

Si ces amendements apparaissent comme novateurs, ils ne sont que l’application d’une disposition déjà prévue par la loi Santé du 24 juillet 2019 et codifiée à l’article L.1110-4-2 du code de la santé publique mais non encore entrée en vigueur, dans l’attente d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2023 :

« Est conditionnée à des engagements de mise en conformité aux référentiels d’interopérabilité dans les conditions prévues au I l’attribution de fonds publics dédiés au financement d’opérations de conception, d’acquisition ou de renouvellement de systèmes d’information ou de services ou outils numériques en santé mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 1110-4-1 ».

 

La notion d’interopérabilité

Ces amendements permettent de revenir sur la notion d’interopérabilité qui peut se définir comme la capacité pour des systèmes d’information (SI) de communiquer entre eux, de fait, sans dépendre d’une adaptation, à la différence de la compatibilité qui requiert un effort d’adaptation des interfaces. L’Agence du Numérique en Santé (ANS) dans un webinaire consacré à ce sujet illustrait ces notions de la manière suivante :

La doctrine technique du numérique en santé distingue, quant à elle, l’interopérabilité « technique », c’est-à-dire l’interconnexion entre deux systèmes, s’appuyant sur l’utilisation d’interfaces définies, de normes et de protocoles partagés et l’interopérabilité «sémantique» qui est basée sur des référentiels d’interopérabilité, permettant à deux systèmes d’utiliser un langage commun (mots et syntaxe) pour produire et exploiter les données de santé échangées.

 

L’interopérabilité dans le code de la santé publique

La notion d’interopérabilité est présente dans le code de la santé publique depuis 2016 à l’article L.1110-4-1. La loi Santé du 24 juillet 2019 est venue profondément modifier les dispositions de cet article en prévoyant l’opposabilité de ces référentiels d’interopérabilité élaborés par l’ANS par arrêté du ministre chargé de la santé.

L’exigence d’interopérabilité concerne aussi bien les systèmes d’informations ou les services ou outils numériques des professionnels de santé, que des professionnels des secteurs médico-social et social et des organismes d’assurance maladie. On notera toutefois que si ces référentiels d’interopérabilité s’appliquent aux professionnels des secteurs médico-social et social, la nouvelle possibilité de refuser le paiement de la facture lors de l’achat de logiciels informatiques qui ne respecteraient pas les référentiels d’interopérabilités est octroyée aux seuls établissements publics.

Différents référentiels ont ainsi été définis par l’ANS en partenariat avec les parties prenantes du secteur de la santé et du médico-social, et s’appuyant lorsque c’est possible sur des standards internationaux tels que :

  • le cadre d’interopérabilité des systèmes d’information de santé (CI-SIS),
  • le modèle des objets de santé (MOS) et les nomenclatures associées,
  • les terminologies de santé (centre de gestion des terminologies de santé (CGTS) et serveur multi-terminologies (SMT))

De même, le code de la santé publique prévoit une procédure de vérification de conformité d’un système d’information ou d’un service ou outil numérique en santé aux référentiels d’interopérabilité qui n’a pas encore été définie par décret en Conseil d’État (article L.1110-4-2 du CSP).

 

L’interopérabilité dans le cadre la feuille de route sur le virage numérique en santé

Par ailleurs, dans le cadre de la feuille de route « Accélérer le virage numérique », présentée en avril 2019, l’interopérabilité apparaît comme un élément essentiel pour la coopération entre les différents acteurs, au cœur de l’action 8 de la feuille de route et un des socles de la maison de la feuille de route sur le virage numérique représentée ici :

L’interopérabilité est identifiée clairement comme un des référentiels socles par la doctrine technique qui la schématise de la manière suivante :

Cette doctrine technique, soumise à nouveau actuellement à concertation, prévoit la mise en œuvre d’une gouvernance de l’interopérabilité des SI de santé et du médico-social au travers de comités : un comité de pilotage, un comité de concertation et des comités de suivis (CI-SIS, Espace de tests d’interopérabilité et CGTS/SMT dont les premiers comités ce sont tenus le 23 septembre dernier). Cette gouvernance vise à prioriser les travaux d’interopérabilité.   A ce titre, en parallèle des travaux d’évolution menés sur le CI-SIS et sur la terminologie de santé, la mise en place d’un espace de tests d’interopérabilité des SI a été identifiée comme une priorité.   C’est ainsi que pour compléter l’outil Convergence permettant aux industriels de mesurer la conformité de leurs solutions, services et dispositifs à la doctrine technique du numérique en santé, un espace de test a été, très récemment, mis à disposition par l’ANS afin de proposer des services de vérification de la conformité d’une solution développée aux référentiels d’interopérabilité des systèmes d’information de santé (SIS). Cet espace de test s’adresse à la fois :

  • aux maîtrises d’ouvrage des SIS, tels que les établissements de santé, pour consulter la liste des SIS conformes à un référentiel d’interopérabilité des SIS (la liste des produits conformes à un référentiel sera publiée prochainement) et ;
  • aux organisations privées, tels que les éditeurs, et publiques du secteur de la santé, du médico-social et du social qui développent des SIS.

 

On comprend donc que l’interopérabilité doit être la priorité absolue pour les éditeurs de solutions à destination des acteurs du secteur de la santé et du médico-social. Les maîtres d’ouvrage devront également veiller à faire de l’interopérabilité un critère essentiel dans le choix de leurs solutions sous peine de ne pas pouvoir bénéficier des crédits octroyés. En résumé, le mot « interopérabilité » est désormais sur toutes les lèvres.

Avocat depuis 2015, Laurence Huin exerce une activité de conseil auprès d’acteurs du numérique, aussi bien côté prestataires que clients.
Elle a rejoint le Cabinet Houdart & Associés en septembre 2020 et est avocate associée en charge du pôle Santé numérique.
Elle consacre aujourd’hui une part importante de son activité à l’accompagnement des établissements de santé publics comme privés dans leur mise en conformité à la réglementation en matière de données personnelles, dans la valorisation de leurs données notamment lors de projets d’intelligence artificielle et leur apporte son expertise juridique et technique en matière de conseils informatiques et de conseils sur des projets de recherche.