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jurisprudence judiciaire
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Responsabilité civile des professionnels de santé : les récents rappels de la Cour de cassation

Article rédigé par Alice Agard et Laurent Houdart

Cour de cassation, première chambre civile, 14 décembre 2022 (n°21-22.037)

Dans un arrêt en date du 14 décembre 2022, la 1ère chambre civile de la Cour de cassation a rappelé qu’un professionnel de santé exerçant une activité privée n’engageait sa responsabilité civile qu’en cas de faute, indépendamment de l’utilisation d’un produit de santé défectueux.

En l’espèce, un chirurgien exerçant à titre libéral au sein d’un établissement de santé public procède à la pose d’une prothèse de hanche. Le patient présente par la suite plusieurs luxations.

Celui-ci assigne alors en réparation de son préjudice la société fabricante de la prothèse, la société fabricante de la tête fémorale ainsi que le chirurgien ayant pratiqué l’opération.

La Cour d’appel de Pau juge le chirurgien responsable : dès lors que celui-ci n’a pas tiré les conséquences des caractéristiques morphologiques de son patient, qui commandaient d’implanter un dispositif anti-luxation dès la première intervention, sa mauvaise appréciation initiale constitue une faute ayant causé le dommage du patient.

Le chirurgien forme alors un pourvoi en cassation. Invoquant que « même lorsqu’ils ont recours à des produits de santé pour l’accomplissement d’un acte médical, les professionnels de santé n’engagent leur responsabilité qu’en cas de faute », il soutient que les expertises médicales ont en l’espèce conclu qu’il n’y avait pas eu d’erreurs, de maladresses ou de négligences dans la pose de la prothèse.

La première chambre civile casse et annule la décision d’appel, donnant ainsi raison au chirurgien. Au visa de l’article L 1142-1 du Code de la santé publique, elle rappelle sa jurisprudence antérieure selon laquelle la « responsabilité des professionnels de santé au titre d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins n’est engagée qu’en cas de faute ». Or, en l’espèce, les différentes expertises comme l’absence d’éléments médicaux ne permettaient pas de caractériser une telle faute.

Ce faisant, la Haute juridiction rappelle sa propre interprétation de l’article L 1142-1 du CSP. Celui-ci dispose en effet qu’ « hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d’un défaut d’un produit de santé », les professionnels de santé et établissements de soins ne sont responsables qu’en cas de faute. Malgré une certaine ambiguïté, la Cour de cassation a écarté l’application aux prestataires de santé du régime de responsabilité sans faute du fait des produits défectueux, jugeant dans un arrêt du 12 juillet 2012 que la responsabilité de ceux-ci ne peut être « recherchée que pour faute lorsqu’ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l’exercice de leur art ou à l’accomplissement d’un acte médical » (Civ 1ère, 12 juillet 2012, n°11-17.510).
Pour rappel, le Conseil d’Etat considère à l’inverse que « sans préjudice des actions susceptibles d’être exercées à l’encontre du producteur, le service public hospitalier est responsable, même en l’absence de faute de sa part, des conséquences dommageables pour les usagers de la défaillance des produits et appareils de santé qu’il utilise » (CE, 12 mars 2012 n°327449).

Par le présent arrêt, la Cour de cassation maintient ainsi une jurisprudence divergente de celle du Conseil d’Etat, dont découle une nécessaire différence de traitement entre les victimes. Alors que la preuve par la victime de la défectuosité du produit de santé utilisé suffira à engager la responsabilité du service public hospitalier, la victime du secteur privé devra quant à elle démontrer l’existence d’une faute de l’établissement ou du professionnel de santé privé, indépendamment du recours à un produit de santé (et quand bien l’opération aurait eu au sein d’un établissement public, comme c’était le cas en l’espèce).

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