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soins psychiatriques sans consentement : il appartient au juge judiciaire de se prononcer sur l’admission ou le maintien des personnes placées en Umd

Article rédigé par Alice Agard et Laurent Houdart

Tribunal des conflits, 3 juillet 2023, C4279, Publié au recueil Lebon

Dans une décision du 3 juillet dernier, le Tribunal des conflits a décidé que la contestation du placement ou du maintien d’un patient en unité pour malades difficiles (UMD) relève de la compétence du juge judiciaire.

Le Tribunal met ainsi fin au certain flou juridique qui régnait en la matière.

Jusqu’à lors, le Conseil d’Etat considérait en effet que la question du maintien en UMD relevait de la compétence du juge judiciaire, tandis que ce dernier écartait systématiquement sa compétence. Dans un arrêt du 26 octobre 2022 évoqué sur notre blog, la 1ère chambre civile avait ainsi considéré que « la régularité et le bien-fondé de l’admission et du maintien d’un patient en UMD, en tant que modalité d’hospitalisation » ne pouvait relever du contrôle du JLD. Assimilant le maintien en UMD en simple « mesure médicale », elle se contentait de renvoyer à l’existence en la matière d’une commission du suivi médical[1].

Cette solution était critiquée par une partie de la doctrine, faisant valoir que tout comme l’isolement et la contention, mesures privatives de liberté contrôlées par le JLD, les UMD constituent des lieux de privation de liberté « nécessitant un contrôle systématique de l’autorité judiciaire conformément à l’article 66 de la Constitution »[2]. Ainsi, en l’absence de répartition claire des compétences entre les juges, un patient placé en UMD par le pouvoir exécutif pouvait être maintenu des années durant sans recours en justice clairement défini.

Le Tribunal des conflits met un terme à cette situation et rejette l’analyse de la Cour de cassation. Il considère en effet que la juridiction judiciaire est compétente « pour connaitre de tout litige relatif aux décisions par lesquelles le préfet compétent admet dans une UMD un patient (…) ou refuse sa sortie d’une telle unité ».

En l’espèce, Romain Dupuy, patient tristement célèbre pour avoir commis le double homicide d’une infirmière et d’une aide soignante au CH des Pyrénées à Pau en 2004, est placé depuis près de 18 ans en UMD au CH de Cadillac, où il a été admis par arrêté du représentant de l’Etat du 31 janvier 2005. Cette mesure de soins psychiatriques sans consentement sous forme d’une hospitalisation complète a par la suite été renouvelée à plusieurs reprises. Le 4 avril 2022, la préfète de la Gironde a sollicité la prolongation de la mesure d’hospitalisation complète. Dans le cadre de cette instance, le patient a demandé la poursuite de sa prise en charge en soins sans consentement, mais que l’hospitalisation n’ait plus lieu au sein d’une UMD.

Par ordonnance du 9 juin 2022, le JLD a fait droit à sa demande, autorisant le maintien de l’hospitalisation complète tout en ordonnant la mainlevée du placement en UMD.

Le 17 juin 2022, la Cour d’appel de Bordeaux infirme cependant l’ordonnance, au motif que la juridiction judiciaire est incompétente pour décider de la sortie d’une UMD.

En octobre 2022, les avocats du patient saisissent alors le tribunal administratif pour demander la poursuite de ses soins psychiatriques sans consentement dans un établissement de santé ordinaire et de faire injonction à la préfète, sous astreinte, de procéder à la mainlevée de son placement en UMD.

Par jugement du 4 avril 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a alors renvoyé au Tribunal des conflits le soin de décider sur la question de la compétence.

Ce à quoi procède ici le Tribunal des conflits, après avoir admis l’intervention de la Ligue des droits de l’Homme.

Il déduit de différents articles du CSP relatifs au contrôle par le JLD des mesures de soins sans consentement[3] que « toute action relative à la régularité et au bien-fondé d’une mesure d’admission en soins psychiatriques sans consentement prononcée sous la forme d’une hospitalisation complète et aux conséquences qui peuvent en résulter ressortit à la compétence de la juridiction judiciaire ».

Or, aux termes de l’article R. 3222-1 du CSP, seuls les patients qui précisément font l’objet d’une mesure d’admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d’une hospitalisation complète prononcée par le préfet ou par une juridiction pénale dans le cadre d’une irresponsabilité pénale peuvent être admis en UMD.

Il en découle que « la juridiction judiciaire est également compétente pour connaitre de tout litige relatif aux décisions par lesquelles le préfet compétent admet dans une UMD un patient placé en soins psychiatriques sans son consentement sous la forme d’une hospitalisation complète, ou refuse sa sortie d’une telle unité ».

Le Tribunal des conflits conclut que le litige opposant M. Dupuy à la préfète de la Gironde relatif au rejet de sa demande de sortie de l’UME et de transfert dans un autre établissement ressortit à la compétence de la juridiction judiciaire, et déclare nulle et non avenue l’ordonnance de la cour d’appel de Bordeaux.

Il devrait donc désormais appartenir au juge judiciaire, en tant que garant des libertés individuelles, de se prononcer sur l’admission ou le maintien des personnes placées en UMD par décision préfectorale en appréciant la régularité et le bien fondé d’une telle décision.

Il reste toutefois à voir ce que dira la cour d’appel de Bordeaux, devant laquelle l’affaire a été renvoyée. En cas d’autorisation du transfert, il incombera au préfet de prononcer la sortie du patient de l’UMD par arrêté. L’ ARS devra alors organiser le transfert vers un autre établissement de santé – si tant est qu’il soit possible d’en trouver un à même de pouvoir effectivement accueillir le patient dans de bonnes conditions…

 

 

[1] Voir notamment les articles R. 3222-5 et R. 3222-6 du CSP. Il existe une commission du suivi médical dans chaque département d’implantation d’une UMD. Si elle constate que les conditions requises pour le placement en UMD ne sont plus remplies, elle peut saisir le préfet du département d’implantation de l’UMD qui prononce par arrêté la sortie du patient de l’UMD.

[2] L. Mauger-Vielpeau, Les unités pour malades difficiles échappent au contrôle du JLD, Droit de la famille n°1, Janvier 2023, comm. 12, Lexis 360.

[3] Plus précisément, les articles L. 3211-12, L. 3211-12-1, L. 3222-5-1, L. 3216-1 du CSP.

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