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COVID-19 - reconnue Maladie professionnelle
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VERS UNE RECONNAISSANCE DE LA COVID-19 EN MALADIE PROFESSIONNELLE

Article rédigé le 19 juin 2020 par  Me Caroline Dufourt

Dès le 23 mars dernier, le Ministre des Solidarités et de la Santé, Monsieur Olivier Véran, avait annoncé que : « Aux soignants qui tombent malades, je le dis : le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle et c’est la moindre des choses. Il n’y a aucun débat là-dessus ».

Qu’en est-il aujourd’hui de cette promesse ?

 

 

Cette annonce du Gouvernement de reconnaitre, pour les soignants, la Covid-19 en tant que maladie professionnelle a été confirmée par le secrétaire d’État auprès du Ministre des Solidarités et de la Santé chargé de la protection de la santé des salariés contre l’épidémie de Covid-19, Monsieur Laurent Pietraszewski, lors de la séance de l’Assemblée nationale du 16 juin dernier.

 

Le secrétaire d’État a en effet annoncé que « des décrets » seraient présentés « dans les jours qui viennent ».

 

Cette annonce est l’occasion aujourd’hui de s’interroger sur les modalités qui permettraient de reconnaitre l’imputabilité de la Covid-19.

 

Rappel concernant le régime de reconnaissance d’une maladie professionnelle

 

Dans le secteur public comme privé, la reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie est possible par référence ou non, aux tableaux de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale.

 

Une maladie peut être reconnue imputable dans trois hypothèses :

  1. Soit, la maladie est désignée dans l’un des tableaux de maladies professionnelles du code de la sécurité sociale (articles L.461-1 et suivants) et est contractée dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice des fonctions. Dans ce cas-là, la maladie est présumée imputable au service ;
  2. Soit, si les conditions requises par le tableau ne sont pas réunies, la maladie est directement causée par le travail habituel;
  3. Soit, dans le cas où la maladie ne serait pas inscrite dans les tableaux, la maladie est essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions, et entraîne une incapacité permanente supérieure à 25%.

 

Le caractère inadapté du régime actuel de reconnaissance de l’imputabilité au cas de la Covid-19

 

Il est prématuré d’envisager que la Covid-19 puisse être prochainement intégrée aux tableaux du code de la sécurité sociale, dans la mesure où ne sont inscrites dans ces tableaux, que les maladies dont les connaissances scientifiques sont éprouvées et après avis d’une instance paritaire.

 

Pour autant, rien n’empêche d’imaginer qu’un jour cette maladie infectieuse respiratoire puisse être inscrite aux termes des tableaux de maladies professionnelles comme cela est le cas pour les maladies liées à une bactérie (tableau n°40 : tuberculose) ou à un virus (tableaux n°45, 54 et 80 : hépatites, polio, kérato-conjonctivites).

 

Après avoir exclu l’hypothèse de voir inscrite rapidement la Covid-19 dans les tableaux des maladies professionnelles, ne reste que l’hypothèse de la reconnaissance de l’imputabilité au service de cette pathologie après démonstration par l’agent, de ce que cette pathologie est essentiellement et directement causée par l’exercice de ses fonctions et qu’elle a entraîné à son égard une incapacité permanente supérieure à 25%.

 

Dans cette hypothèse, il reviendrait à l’agent la difficile tâche d’apporter la preuve que la Covid-19 qu’il a développée est « essentiellement et directement causée par l’exercice de [ses] fonctions ».

 

Faire peser sur le soignant une si lourde charge de la preuve a clairement été exclue par le Ministre des Solidarités et de la Santé, qui a au contraire, affiché sa volonté de permettre une reconnaissance « systématique et automatique » de cette nouvelle pathologie pour tous les soignants.

 

Finalement, le constat est le suivant : le régime actuel de reconnaissance de l’imputabilité au service des maladies professionnelles est inadapté au cas de la Covid-19.

 

Vers une présomption d’imputabilité de la Covid-19 pour les soignants

 

En affirmant sa volonté de systématiser et d’automatiser la reconnaissance de l’imputabilité de la Covid-19 aux soignants, le Gouvernement semble vouloir créer en fin de compte, un nouveau régime de reconnaissance d’imputabilité.

 

En effet, si auparavant la présomption d’imputabilité ne s’appliquait qu’aux maladies inscrites dans les tableaux de maladies professionnelles issus du code de la sécurité sociale, les déclarations du Gouvernement laissent entendre que pour la Covid-19, cette présomption s’appliquera même en l’absence d’inscription de cette pathologie aux termes desdits tableaux.

 

La procédure de reconnaissance de l’imputabilité sera donc particulièrement allégée pour les soignants.

 

Effet d’annonce ou véritable avantage pour les soignants ?

 

La reconnaissance de la Covid-19 en tant que maladie professionnelle permettra aux soignants :

  • En cas d’incapacité temporaire : d’obtenir la prise en charge totale des soins médicaux et le versement d’indemnités journalières pendant sa période d’incapacité ;
  • En cas d’incapacité permanente : d’obtenir le versement d’une indemnité en capital lorsque le taux de l’incapacité est inférieur à 10 % ou une rente au-delà ;
  • En cas de décès : les ayants droit recevront une rente et bénéficieront d’une prise en charge des frais funéraires.

 

Une reconnaissance automatique de l’imputabilité assurera donc aux soignants, une prise en charge de leur frais médicaux et de leurs salaires.

 

Cependant, l’indemnisation demeurera forfaitaire et donc limitée.

 

Le risque pour les employeurs de voir leur responsabilité plus facilement engagée

 

S’agissant des salariés du secteur privé et des agents contractuels hospitaliers qui sont soumis également au régime général de sécurité sociale, l’action en faute inexcusable n’étant ouverte qu’à la condition que le caractère professionnel de la maladie ait été établi, une reconnaissance automatique de la Covid-19 risque d’entraîner une augmentation importante de la mise en jeu de la responsabilité des employeurs, à qui il reviendra de démontrer qu’ils ont respecté leurs obligations de santé et de sécurité au travail, en ayant pris toutes les mesures nécessaires pour préserver leurs salariés de l’exposition au risque de contamination.

 

 

Finalement, dans un monde où, selon l’Organisation mondiale de la santé, il faut craindre de voir apparaître régulièrement de nouvelles pandémies, la question se pose de savoir dans quelle mesure l’Etat permettra aux employeurs publics hospitaliers sociaux et médico-sociaux, de supporter financièrement le coût du risque sanitaire encouru par les personnels de santé en première ligne en cas de pandémie.

 

Caroline DUFOURT a intégré, en qualité d’avocat, le pôle social du Cabinet HOUDART et Associés en septembre 2017.

Disposant de compétences en droit de la fonction publique et en droit social, elle représentant les établissements publics et privés de santé aussi bien devant les juridictions administratives, prud’homales que disciplinaires.

Elle conseille également ces établissements dans la gestion de la carrière de leur personnel médical et non médical ainsi que dans la mise en œuvre de projets stratégiques (transfert d’activité, fusion, suppression d’un service).