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Du nouveau pour les CPTS
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DU NOUVEAU POUR LES CPTS

Article rédigé le 19 juin 2019 par Me Claude Évin

Alors que nous pouvions nous interroger concernant le cadre d’intervention des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS)[1], l’accord conventionnel interprofessionnel signé le 20 juin dernier entre les syndicats professionnels et l’assurance maladie (mais non encore publié[2]) apporte certaines réponses à nos interrogations, mais ne règle pas pour autant toutes les incertitudes quant à la mise en place de ces formes de coordination.

 

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Une graduation de l’offre de soins territoriale plus claire ?????

 

Un accord conventionnel n’est pas un texte législatif. Il présente toutefois l’intérêt de commencer à mieux (encore que …) préciser ce que le législateur n’avait pas réellement fait dans la loi de janvier 2016 lorsqu’il a introduit plusieurs notions nouvelles dans l’organisation de l’offre de soins ambulatoire sans préciser comment ces diverses formes d’organisation s’articulaient les unes avec les autres.

 

C’est ainsi que, dans l’organisation de l’offre de soins ambulatoire, nous avons tout d’abord le « médecin traitant ». Il est défini dans le code de la sécurité sociale (art. L. 162-5-3) et non dans le code de la santé publique. Il a pour mission de « favoriser la coordination des soins ». Avec les autres professionnels de santé et les centres de santé, il concoure à « l’offre de soins de premier recours en collaboration et, le cas échéant, dans le cadre de coopérations organisées avec les établissements et services de santé, sociaux et médico-sociaux. » (art. L. 1411-11, CSP).

 

A côté de l’offre de soins de premier recours, nous avons les soins de deuxième recours. Ce sont les soins qui sont « non couverts par les soins de premier recours » (!) Ils sont organisés « dans les mêmes conditions que celles prévues » pour les soins de premier recours. (art. L. 1411-12, CSP)

 

Puis, la loi de janvier 2016 a créé l’équipe de soins primaires : c’est « l’ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours, … qui contribue à la structuration des parcours de santé » (art. L. 1411-11-1, CSP).

 

La loi d’organisation et de transformation du système de santé va ajouter dans cet article L. 1411-11-1, l’équipe de soins spécialisés qui est « un ensemble de professionnels de santé constituée de médecins spécialistes » et qui, « contribue avec les acteurs de soins de premier recours à la structuration des parcours de santé ».

 

La loi de janvier 2016 avait aussi créé la CPTS, la « Communauté professionnelle territoriale de santé » constituée de professionnels de santé qui veulent « assurer une meilleure coordination de leur action et ainsi concourir à la structuration des parcours de santé ».(art. L. 1434-12, CSP). La CPTS est « composée de professionnels de santé regroupés, le cas échéant, sous la forme d’une ou de plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours, … et d’acteurs sociaux et médico-sociaux ». Tiens ! Les établissements de santé ne sont pas concernés, même pas pour que les CPTS organisent des coopérations avec eux, alors que le médecin traitant, lui, peut le faire (cf. supra).

 

L’accord conventionnel interprofessionnel définit un peu mieux la graduation de la coordination de l’offre de soins. « L’exercice coordonné revêt deux dimensions : une coordination de proximité et une coordination à l’échelle du territoire. » (art. 2 de l’accord conventionnel).

 

La réponse coordonnée de proximité est assurée par « les maisons de santé pluri-professionnelles, les centres de santé, les équipes de soins primaires, les équipes de soins spécialisés, … ou d’autres formes d’organisation pluri-professionnelles » telles que les équipes de soins primaires ou les équipes de soins spécialisés.

 

La coordination organisée à l’échelle du territoire est assurée par les communautés professionnelles territoriale de santé. L’accord conventionnel précise « Ces communautés professionnelles ont vocation à rassembler l’ensemble des professionnels de santé de ville volontaires d’un territoire… C’est pourquoi elles s’organisent à l’initiative des professionnels de santé de ville, et peuvent associer progressivement des autres acteurs de santé du territoire : établissements et services sanitaires et médicaux sociaux et autres établissements et acteurs de santé dont les hôpitaux de proximité, les établissements d’hospitalisation à domicile, etc. »

 

On y voit un peu plus clair quant à la graduation de l’offre de soins, bien que les équipes de soins primaires et les équipes de soins spécialisés n’ont pas aucune organisation juridique identifiable et que l’association « progressive » des établissements de santé et médicaux sociaux au CPTS méritera d’être éventuellement précisée.

 

Le statut juridique des CPTS

 

Contrairement à ce qui avait été fait lors d’un précédent accord conventionnel interprofessionnel, les organisations syndicales et l’assurance maladie n’ont pas retenu de cadre juridique précis pour que les CPTS bénéficient des financements prévus dans cet accord.[3]Les partenaires conventionnels ont convenu que ce nouvel accord conventionnel interprofessionnel « doit permettre de s’adapter aux spécificités de chaque territoire et de chacune des communautés professionnelles territoriales de santé ». Sage position !

 

Une CPTS doit tout d’abord élaborer un projet de santé qui doit être validé par l’agence régionale de santé. C’est la condition première pour bénéficier du cadre d’accompagnement et de financement prévu par l’accord conventionnel. La CPTS doit, par ailleurs, signer un contrat avec l’ARS et l’assurance maladie dont les principes doivent être conformes à un contrat type annexé à l’accord conventionnel.

 

Le statut juridique de la CPTS est laissé à l’appréciation de ses membres. Il n’est donc pas imposé, mais il doit toutefois répondre à différents critères cités dans l’accord conventionnel :

 

Il doit :

  • garantir une pluri-professionnalité ;
  • donner la possibilité d’adhérer à la communauté à différentes catégories d’acteurs « nécessaires à la réalisation des missions », que ces acteurs soient des personnes physiques ou des personnes morales ;
  • donner la possibilité de recevoir des financements de l’assurance maladie « et le cas échéant, d’en effectuer la redistribution si besoin » ;
  • de s’adapter aux missions choisies ;
  • d’avoir la possibilité de recruter du personnel pour le fonctionnement de la communauté.

 

L’accord conventionnel ne précise pas si ces critères sont cumulatifs. Heureusement, car il n’existe pas de structures dans notre arsenal juridique qui réponde en même temps à toutes ces conditions.

 

Les CPTS vont, à l’issu de cet accord conventionnel, recevoir des financements pour assurer les missions que ses membres vont réaliser en commun. La redistribution de ces financements entre les membres de la CPTS va donc devoir être organisée. Cet objectif risque de déterminer le choix de la structure juridique.

 

La mise en commun des honoraires est autorisée par l’article 94 du code déontologie médicale, mais elle n’est possible qu’entre professionnels associés dans une société d’exercice libérale (SEL) ou dans une société civile professionnelle (SCP) constituées de professionnels qui exercent soit la médecine générale, soit la même spécialité. Ces modes d’organisation ne garantissent donc pas la pluri-professionnalité[4].

 

Seules les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires permettent de redistribuer entre ses membres les financements qui ont été obtenus pour des activités exercées en commun sans que l’on puisse y opposer l’interdiction de partage des honoraires. Les SISA ne peuvent toutefois être constituées que de personnes physiques. Elles ne permettent donc pas d’y associer « progressivement » des établissements de santé ou médico-sociaux. De plus, comme nous l’avons déjà regretté dans de précédents articles, la SISA est une société civile : la responsabilité de ses membres est indéfinie et proportionnelle aux parts détenues dans la société.

 

Plusieurs CPTS font le choix de s’organiser sous la forme d’association régie par la loi de 1901. C’est en effet un outil juridique qui est simple à constituer et qui permet d’associer des personnes physiques et des personnes morales publique ou privée. La responsabilité des membres d’une association est limitée à leurs cotisations sauf lorsqu’il y a faute de gestion. Une association peut disposer d’un patrimoine, d’un compte bancaire, elle peut contractualiser avec des tiers. Elle peut percevoir des subventions et des aides financières. Elle peut aussi recruter du personnel. Il n’est pas recommandé par contre de recourir à une association lorsqu’il s’agit d’organiser un partage de rémunération entre les membres de la structure, au risque de voir remis en cause par l’administration fiscale le caractère désintéressé de l’association.

 

Il n’existe donc pas de structure juridique qui permette de répondre parfaitement à la volonté qui s’exprime souvent dans les territoires de mettre en œuvre des modes d’organisation rassemblant tous les acteurs de l’offre de soins et médico-sociale, libérale et institutionnelle, pour assurer une plus grande fluidité dans la prise en charge des patients. L’organisation de coopérations entre établissements publics et privés avec des professionnels libéraux s’avèrera pourtant de plus en plus nécessaire.

 

A défaut de cadre juridique immédiatement satisfaisant, ce ne peut être qu’au coup par coup, que les organisations doivent être inventées en fonction des objectifs immédiatement affichés par les acteurs, quitte à les faire évoluer ensuite en fonction de la maturation des projets.

 

Les missions des CPTS

 

La première mission (obligatoire) d’une CPTS sera d’améliorer l’accès aux soins. Tout d’abord, de permettre à tous les patients qui rencontrent des difficultés d’accéder à un médecin traitant et particulièrement les patients en situation de fragilité. Pour organiser la prise en charge des soins non programmés en ville, la CPTS « doit pouvoir proposer une organisation visant à permettre la prise en charge le jour même ou dans les 24 heures de la demande d’un patient en situation d’urgence non vitale ». Elle peut permettre aussi de développer le recours à la télésanté (télémédecine et télésoin).

 

Les CPTS doivent aussi permettre d’assurer une meilleure coordination pluri-professionnelle et éviter les ruptures de parcours du patient et favoriser son maintien à domicile : en développant des actions de prévention, de dépistage, de promotion de la santé qui soient adaptées aux besoins spécifiques du territoire ; en mettant en œuvre des actions en faveur de l’amélioration de la qualité et de l’efficience des prises en charges et en facilitant l’installation de professionnels sur le territoire.

 

Le financement des CPTS

 

L’accord conventionnel définit deux volets dans l’accompagnement financier des CPTS : un premier volet doit contribuer au financement de fonctionnement de la communauté professionnelle, un second volet doit contribuer au financement de chacune des missions exercées.

 

Les montants des financements alloués seront variables selon la taille du territoire concerné.  Ont ainsi été définis quatre tailles de territoire allant de 40 000 à 175 000 habitants. Ils seront attribués en fonction des moyens déployés et des résultats atteints dans la réalisation des missions choisies.

 

Un premier financement devrait être versé dès la signature du contrat tripartite pour couvrir les besoins de la CPTS pendant la période préparatoire nécessaire au déploiement des missions choisies. Ce financement peut aller de 50 000 € pour une CPTS couvrant un territoire de 40 000 habitants à 90 000 € pour un territoire de 175 000 habitants.

 

Dès le démarrage de chaque mission et en fonction du calendrier de déploiement défini dans le contrat, la CPTS sera financée pour son fonctionnement et pour chacune des missions. Une CPTS couvrant un territoire de 40 000 habitants qui assurerait toutes les missions prévues par l’accord conventionnel et qui aurait atteint les objectifs fixés dans son contrat tripartite pourra espérer obtenir un financement total annuel de 185 000 €. Une CPTS couvrant 175 000 habitants pourra espérer obtenir un financement annuel de 380 000 €.

 

Les CPTS représentent un véritable enjeu nouveau pour l’organisation territoriale de l’offre de soins dont on peut saluer l’intérêt. Mais si on veut apporter une réponse réelle à l‘attente de nos concitoyens de disposer d’une offre de soins mieux coordonnée et où le parcours de soins pour le malade chronique ne soit pas le « parcours du combattant », il sera aussi nécessaire que CPTS et GHT travaillent ensemble dans les territoires et construisent des projets communs.

 

 


[1]Voir, sur ce Blog, l’article Laurent Houdart et Claude Evin « Maisons de santé (MSP), Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), Société interprofessionnelle de soins ambulatoire (SISA) : faut-il légiférer ? »publié en octobre 2018.

[2]La publication d’un accord interprofessionnel, comme d’un accord conventionnel ou d’un avenant à un accord, doit se faire par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale (santé et budget). Au jour où nous publions cet article, l’accord conventionnel interprofessionnel signé le 20 juin n’a pas encore été publié.

[3]Voir l’arrêté du 24 juillet 2017 portant approbation de l’accord conventionnel interprofessionnel relatif aux structures de santé pluriprofessionnelles. Cet accord prévoit que pour bénéficier des financements prévus dans cet accord, il faut que les professionnels soient organisés en société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) ou en centre de santé.

[4]Le partage d’honoraires entre infirmiers va être autorisé par le nouvel article L. 4312-15 issu de la nouvelle loi d’organisation et de transformation du système de santé. Mais on voit bien que les dispositions législatives maintiennent le cloisonnement entre les diverses professions de santé sur ce sujet (et sur d’autres, mais c’est une autre histoire).

Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.

Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.

Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.

Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.