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loi 3DS quels changement pour la santé et le médico social
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Loi 3DS : quels changements pour la santé et le médico-social ?

 

Article rédigé le 1er mars 2022 par Me Laurine Jeune et Me Nicolas Porte

 

La loi 3DS a été publiée au J.O. ce mardi 22 février 2022.
Certains de nos lecteurs nous ont interrogés sur les apports de cette loi dans les secteurs de la santé et du médico-social et c’est en réponse que nous avons synthétisé les changements.
Très axée sur la place des collectivités territoriales, la loi 3DS n’emporte pas de bouleversements majeurs à l’exception du rattachement des directeurs d’établissements de la petite enfance à la fonction publique territoriale. Elle introduit malgré tout des mesures facilitatrices pour le secteur médico-social et en particulier le handicap, et de manière accessoire mais notable pour les établissements publics de santé et la place des élus au sein de leur conseil de surveillance.

 

La loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale dite « 3DS » a été publiée au journal officiel ce 22 février 2022.

Cette loi dense et multi-thématiques a introduit dans son chapitre dédié à la participation des collectivités territoriales à la sécurité sanitaire territoriale, ainsi que dans celui dédié à la cohésion sociale quelques changements concernant les secteurs de la santé et du médico-social.

Comme nous le verrons, les évolutions sont relativement modestes.

Il s’est agi, pour reprendre les termes du Gouvernement, de parachever le transfert de certains blocs de compétences et de clarifier la répartition de certaines compétences afin de répondre aux aspirations d’une action publique de proximité.

Nous vous proposons un aperçu des principales nouveautés introduites par la loi dans le champ de la santé et du médico-social.

 

Organisation et fonctionnement des ARS : une « revalorisation » de la place des élus locaux et des collectivités territoriales

L’une des demandes récurrentes et qui s’est accrue durant la crise sanitaire porte sur la l’accroissement du rôle des collectivités territoriales dans l’organisation du système de santé. Les collectivités territoriales n’ont pas manqué de formuler des demandes de participation plus active à la gouvernance des ARS à l’occasion de la loi 3DS.

Pour autant, les modifications apportées par la loi 3DS au fonctionnement des ARS demeurent limitées :

  • Les missions des fameuses délégations départementales des ARS seront ainsi précisées par décret « après concertation des associations représentatives d’élus locaux».
  • Désormais, le directeur départemental de la délégation départementale de l’AR devra présenter au président du conseil départemental, un bilan de l’action de l’ARS.
  • Par ailleurs, le conseil de surveillance de l’ARS qui devient avec la loi 3DS un conseil « d’administration » – et on ne manquera pas de relever que le changement de dénomination n’est pas neutre – pourra accueillir avec voix consultative un député et un sénateur élus dans l’un des départements de la région, désignés respectivement par le Président de l’Assemblée nationale et par le Président du Sénat. Priorités est donnée aux membres des commissions permanentes chargées des affaires sociales des deux assemblées.
  • Le président du conseil d’administration de l’ARS qui demeure le représentant de l’Etat c’est-à-dire le préfet de région, est assisté avec la loi 3DS de quatre vice-présidents dont trois sont désignés parmi les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements.
  • Parmi les « nouveautés », la contractualisation avec les collectivités territoriales et leurs groupements notamment à travers les contrats locaux de santé, pour la mise en œuvre du PRS (projet régional de santé) fait désormais l’objet de « grandes orientations » que le conseil d’administration de l’ARS fixe sur proposition du directeur général.
  • Le PRS doit ainsi « tenir compte » des contrats locaux de santé.
  • Un état des lieux de la désertification médicale doit être régulièrement réalisé par le conseil d’administration en lien avec les délégations départementales et les élus locaux. Et des propositions pour répondre à cette problématique seront faites par ces mêmes acteurs.

 

Deux commentaires peuvent être faits sur ces modifications.

La première concerne les délégations départementales. La définition de leurs missions par décret vise à renforcer leur rôle et de faire de leurs directeurs départementaux l’interlocuteur privilégié des élus locaux et des autres acteurs de santé du territoire. Il s’agit de corriger l’une des critiques récurrentes émises à l’encontre des ARS et qui n’a fait que se renforcer avec la création des grandes régions en 2016 : celle d’être des administrations trop centralisées et trop éloignées des territoires dont elles ont la charge. Il s’agit aussi de corriger un défaut originel de la loi dite « HPST » du 21 juillet 2009. Alors que les ARS ont été conçues notamment pour territorialiser la politique nationale de santé, le rôle de ce qui s’appelait alors les délégations territoriales n’a paradoxalement jamais été défini par les textes, ce qui ne les a pas aidés à trouver leur place et à acquérir leur légitimité auprès des acteurs locaux.

La deuxième porte sur le conseil de surveillance de l’agence, rebaptisé conseil d’administration. Sur le papier, ce changement semble être avant tout sémantique, car hormis la définition des orientations de la politique de contractualisation avec les collectivités territoriales, et les propositions pour lutter contre la désertification médicale, les prérogatives des conseils d’administration sont sensiblement les mêmes que celles des anciens conseils de surveillance.

Pour autant, la présence (facultative) avec voix consultative d’un député et d’un sénateur (désignés prioritairement parmi les membres permanents de commissions des affaires sociales des deux assemblées) au sein du conseil d’administration et le fait et sa vice-présidence soit assurée très majoritairement par des représentants des collectivités territoriales peut être de nature à influer significativement sur la gouvernance des ARS. Tout va dépendre en fait du poids politique des élus qui siègeront au sein des conseils d’administration et de leur niveau d’investissement dans l’exercice de ces fonctions.

Les modifications apportées par la loi 3DS, ne changent pas le paradigme. La santé en région (comme au niveau national du reste) reste avant tout l’affaire de l’Etat, mais un rôle actif est désormais réservé aux collectivités territoriales et élus locaux, à charge pour eux de se l’approprier et de l’exercer utilement.

 

La prise en compte des usagers, et des personnes en situation de pauvreté, de précarité ou de handicap

Le conseil territorial de santé, instance de démocratie sanitaire constituée par le directeur général de l’ARS, pour veiller notamment à conserver la spécificité des dispositifs et des démarches locales de santé fondées sur la participation des habitants et participer à l’élaboration du diagnostic territorial partagé  doit, selon les termes de la loi 3DS, garantir en son sein la participation des usagers notamment celle des personnes en situation de pauvreté, de précarité ou de handicap.

Les contrats locaux doivent également garantir la participation des usagers, notamment celle des personnes en situation de pauvreté, de précarité ou de handicap.

On ne sait pas si des dispositions réglementaires viendront préciser comment sera concrètement garantie la participation des personnes en situation de pauvreté, de précarité ou de handicap.

 

La place des maires dans le conseil de surveillance des établissements publics de santé issus d’une fusion

Jusqu’à la loi 3DS, les établissements publics de santé qui procédaient à une fusion se heurtaient à une difficulté pour garantir la place de tous leurs élus locaux au sein du conseil de surveillance de l’établissement issu de la fusion, en particulier lorsque la fusion concernaient des établissements situés sur au moins trois communes.

En effet, la composition du conseil de surveillance d’un centre hospitalier est imposée par la loi et la règlementation auxquelles il ne peut être dérogé.

Au titre du collège des collectivités territoriales par exemple, le conseil de surveillance d’un établissement public de santé de ressort intercommunal, comprend exclusivement :

  • le maire de la commune siège de l’établissement principal, ou le représentant qu’il désigne ;
  • un représentant de la principale commune d’origine des patients en nombre d’entrées en hospitalisation au cours du dernier exercice connu, autre que celle du siège de l’établissement principal ;
  • deux représentants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre auxquels appartiennent respectivement ces deux communes ou, à défaut, un représentant de chacune des deux principales communes d’origine des patients en nombre d’entrées en hospitalisation au cours du dernier exercice connu, autres que celle mentionnée à l’alinéa précédent ;
  • le président du conseil départemental du département siège de l’établissement principal, ou le représentant qu’il désigne.

 

Désormais, et sans intégrer le collège des représentants des collectivités territoriales, tout autre maire d’une commune où est situé l’établissement public de santé ayant fusionné, peut participer avec voix consultative au conseil de surveillance.

 

Financements des collectivités territoriales

La possibilité pour les collectivités territoriales de contribuer financièrement au investissements des établissements de santé faisait jusqu’à présent l’objet d’incertitudes juridiques (cf. étude d’impact de la loi, p. 300).

La loi 3DS sécurise juridiquement cette possibilité en inscrivant dans la loi la participation volontaire au financement du programme d’investissement des établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés :

  • des communes et leurs groupements dès lors que les opérations financées dans le cadre du programme d’investissement respectent les objectifs du schéma régional ou interrégional de santé,
  • du département, en priorité pour soutenir l’accès aux soins de proximité, dès lors que les opérations financées dans le cadre du programme d’investissement respectent les objectifs du schéma régional ou interrégional de santé,
  • de la région, en priorité pour le programment d’investissement des établissements de ressort régional, interrégional ou national, dès lors que les opérations financées dans le cadre du programme d’investissement respectent les objectifs du schéma régional ou interrégional de santé.

 

La possibilité pour les collectivités territoriales d’être des financeurs à part entière des établissements de santé, quel que soit leur statut juridique, pourrait leur permettre de peser dans les décisions de recomposition de l’offre de soins sur certains territoires en difficulté, en particulier celles impliquant des fermetures de service, dont  on sait qu’elles sont politiquement sensibles.

 

Personnels des centres de santé

La suppression par la loi NOTRe du 7 août 2015 de leur clause de compétence générale ne permettait plus aux départements et aux régions de créer et de gérer des centres de santé, à la différence des communes qui bénéficient toujours de cette clause (cf. article L 2121-29 du GCCT).

La loi 3DS modifie la rédaction de l’article L 6323-1-3 du code de la santé publique en prévoyant explicitement que les communes, les EPCI et les départements sont compétents pour créer et gérer des centres de santé.

En complément de ces nouvelles dispositions, la loi 3DS renforce la base légale permettant aux communes, aux EPCI et aux départements de recruter du personnel afin d’assurer l’exercice des missions des centres de santé dont ils sont gestionnaires.

Jusqu’à la loi 3DS, l’article L 6323-1-5 du CSP prévoyait que les professionnels qui exercent au sein des centres de santé sont salariés et que les centres peuvent bénéficier de la participation de bénévoles à leurs activités.

Ces dispositions  ne tenaient pas compte de ce que certains centres de santé étaient gérés par des collectivités employant du personnel relevant du statut de la fonction publique territoriale ou sous contrat de droit public.

 

Ainsi, il est à présent expressément prévu que :

  • lorsque les centres de santé sont gérés par les collectivités territoriales ou leurs groupements les professionnels peuvent être des agents de ces collectivités ou de leurs groupements.
  • lorsque les centres de santé sont gérés par un groupement d’intérêt public dont au moins deux collectivités territoriales ou groupements de collectivités territoriales sont membres, les professionnels peuvent être des agents de ce groupement d’intérêt public.

 

Développement de l’habitat inclusif

La loi 3DS confie au président du conseil départemental la coordination du développement de l’habitat inclusif et l’adaptation des logements au vieillissement de la population, ainsi que la présidence de la conférence des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie des personnes âgées.

Les organismes d’habitations à loyers modérés sont à présent autorisés à louer des logements sociaux aux porteurs de projet d’habitat inclusif.

L’habitat inclusif et le maintien à domicile des personnes âgées constituent probablement  deux des principales alternatives futures à l’hébergement en EHPAD, lesquels relèvent, comme on le sait, de la compétence jointe des ARS et des présidents des Conseils Départementaux.

En se voyant confier par la loi le rôle de chef de file pour ces deux secteurs en devenir, les Départements devraient à l’avenir tenir un rôle central dans la mise en œuvre territoriale des politiques publiques en faveur du grand âge.

On notera également que la loi clarifie le statut de l’habitat inclusif en précisant à l’article L 281-1 du CASF que les dispositions relatives aux établissements et services sociaux et médico-sociaux ne lui sont pas applicables.

 

Handicap : levée des restrictions de prise en charge de certains établissements et services

Les établissements et services médico-sociaux disposent, pour fonctionner, d’une autorisation administrative délivrée pour 15 ans par leur(s) tutelles(s).

Les établissements et services médico-sociaux œuvrant dans le champ du handicap et de l’enfance (ESAT, établissement et services d’enseignement, centre d’action précoce, FAM…etc.) peuvent plus particulièrement disposer d’une autorisation administrative restreignant leur activité à la prise en charge d’un handicap ou à un degré de gravité du handicap ou encore à l’âge des personnes prises en charge.

Ces restrictions constituent dans certains cas de réels freins à l’accompagnement des personnes en situation de handicap.

 

La loi 3DS:

  • supprime les restrictions inhérentes à la prise en charge d’un handicap sans troubles associés ou en fonction du degré de gravité du handicap pris en charge, dans un délai de deux ans après la promulgation de la loi ;
  • porte à 20 ans au lieu de 16 ans, les restrictions relatives à l’âge maximal de prise en charge, dans un délai de deux ans après la promulgation de la présente loi.

 

Par ailleurs, la loi 3DS autorise les établissements et services susmentionnés à assurer aux personnes qu’ils accueillent habituellement un accompagnement en milieu de vie ordinaire.

Ces mesures devraient faciliter les parcours des personnes en situation de handicap.

 

Handicap et insertion professionnelle des mineurs

Afin de faciliter les démarches administratives, la loi 3DS prévoit que les mineurs âgés d’au moins seize ans qui bénéficient de l’attribution de l’allocation d’enfant handicapé ou de la prestation compensation ainsi que d’un projet personnalisé de scolarisation, sont reconnus automatiquement travailleur handicapés.

 

Résidences autonomie

Jusqu’au 31 décembre 2025, la création de résidences autonomie ne sera pas soumise à la procédure d’appel à projet prévues à l’article L. 313-1-1 du code de l’action sociale et des familles. Les gestionnaires devront toutefois conclure un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens.

Il s’agit, grâce à cet assouplissement, de faciliter le déploiement sur le territoire des résidences autonomies qui font partie des solutions alternatives en termes d’offre de logement et de d’accueil des personnes en perte d’autonomie.

 

Directeurs des établissements de la petite enfance

Les directeurs des établissements relevant des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance et les maisons d’enfants à caractère social, voient le statut évoluer. Jusqu’à la loi 3DS, ces directeurs relevaient du corps des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico sociaux de la fonction publique hospitalière (D3S)

Désormais, ces directeurs doivent intégrer la fonction publique territoriale.

Cette évolution est justifiée par l’organisation financière de ce secteur ou plus précisément par le fait que c’est le département qui le finance. C’est donc à celui qui paye, de recruter. Reste à connaitre précisément les modalités de cette évolution.

Au bilan, la loi 3DS n’a pas apporté de bouleversement majeur dans le champ sanitaire et médico-social, mais a plutôt opéré par petites touches. C’est somme toute logique puisque l’ambition du législateur n’était pas modifier en profondeur le fonctionnement actuel. Comme l’indique l’exposé des motifs de la loi, le Gouvernement, « sensible à la volonté de stabilité des acteurs locaux », […] a considéré qu’il n’était pas souhaitable de modifier les grands équilibres institutionnels », mais simplement « de répondre aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus et les citoyens ces dernières années ».

La loi 3DS procède à certains ajustements « techniques » (centres de santé, handicap, résidence autonomie, petite enfance) et donne aux collectivités territoriales la possibilité de participer plus activement à la conduite des politiques de santé. L’avenir nous dira quel usage celles-ci feront de ces nouvelles prérogatives.

 

Me Laurine Jeune, avocate associée, a rejoint le Cabinet Houdart et Associés en janvier 2011.

Elle conseille et accompagne depuis plus de douze ans les acteurs du secteur de la santé et du médico-social, publics comme privés, dans leurs projets d’organisation ou de réorganisation de leurs activités :

- Coopération (GCS de moyens, GCS exploitant, GCS érigé en établissement, GCSMS, GCSMS exploitant, GIE, GIP, convention de coopération, co-construction,…etc.)
- Transfert partiel ou total d’activité (reprise d’activités entre établissements (privés vers public, public vers privé, privé/privé, public/public),
- Fusion (fusion d’association, fusion entre établissements),
- Délégation et mandat de gestion,
- GHT, etc.

Me Laurine Jeune intervient également en qualité de conseil juridique auprès des acteurs privés en matière de création et de fonctionnement de leurs structures (droit des associations, droit des fondations, droit des sociétés).

Enfin, elle intervient sur des problématiques juridiques spécifiquement liés à :

- la biologie médicale,
- la pharmacie hospitalière,
- l’imagerie médicale,
- aux activités logistiques (blanchisserie, restauration),
- ou encore à la recherche médicale.

Nicolas Porte, avocat associé, exerce son métier au sein du Pôle organisation du Cabinet Houdart & Associés.

Après cinq années consacrées à exercer les fonctions de responsable des affaires juridiques d’une Agence Régionale de Santé, Nicolas PORTE a rejoint récemment le Cabinet Houdart et Associés pour mettre son expérience au service des établissements publics de santé et plus généralement, des acteurs publics et associatifs du monde de la santé.

Auparavant, il a exercé pendant plus de dix années diverses fonctions au sein du département juridique d’un organisme d’assurance maladie.

Ces expériences lui ont permis d’acquérir une solide pratique des affaires contentieuses, aussi bien devant les juridictions civiles qu’administratives, et d’acquérir des compétences variées dans divers domaines du droit (droit de la sécurité sociale, droit du travail, baux, procédures collectives, tarification AT/MP, marchés publics). Ses cinq années passées en ARS lui ont notamment permis d’exercer une activité de conseil auprès du directeur général et des responsables opérationnels de l’agence et développer une expertise spécifique en matière de droit des autorisations sanitaires et médico-sociales (établissements de santé, établissements médico-sociaux, pharmacies d’officines) et de contentieux de la tarification à l’activité.