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Pour créer des CPTS
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POUR CRÉER DES CPTS

Article rédigé le 08 octobre 2019 par Me Claude Évin

Créées par la loi de janvier 2016, les communautés professionnelles territoriales de santé répondent à deux objectifs : assurer une meilleure coordination de leur action entre les professionnels de santé et concourir à la structuration des parcours de santé. Les CPTS doivent trouver leur place dans la graduation des réponses territoriales. L’accord conventionnel interprofessionnel publié au JO du 24 aout dernier leur assure un réel soutien financier. En l’absence de support juridique bien adapté aux missions qui leur sont confiées, il faut traiter chaque situation au cas par cas.

 

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Pourquoi un meilleur exercice coordonné entre professionnels ?

 

Nous savons combien le cloisonnement entre les différents acteurs est le point faible de notre système de santé. Il est préjudiciable aux patients surtout à ceux qui, atteints de pathologie lourde et complexe, nécessitent des interventions diverses. Il ne permet pas d’être suffisamment réactif et organisé pour assurer des prises en charge ambulatoires qui, à défaut, arrivent dans les services d’urgence.

 

Un accord cadre interprofessionnel signé, en octobre 2018, entre le président de l’Union nationale des Caisses d’assurance maladie et la présidente de l’Union nationale des professionnels de santé reconnaissait que « Le renforcement de la coordination entre les professionnels de santé et leur capacité à s’organiser sont des conditions essentielles pour assurer :

  • Une meilleure prise en charge des patients (meilleur suivi des pathologies et des éventuelles complications) ;
  • Un moindre recours à l’hôpital et aux services d’urgences ;
  • Une meilleure articulation entre la ville, l’hôpital et le médico-social. »

 

Les CPTS ont pour objet de répondre à ces objectifs. Si l’article L. 1434-12 du code de la santé publique en a défini les grandes lignes, c’est « l’accord conventionnel interprofessionnel en faveur du développement de l’exercice coordonné et du déploiement des communautés professionnelles territoriales de santé signé le 20 juin 2019[1] » entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels et gestionnaires de structures de soins ambulatoire (48 organisations au total) qui en précise les objectifs et les modalités d’intervention.

 

Quelle coordination entre professionnels ?

 

L’accord conventionnel défini deux niveaux de coordination :

  • La coordination organisée au niveau de la patientèle ;
  • La coordination organisée à l’échelle d’un territoire.

 

La coordination organisée autour de la patientèle répond à un besoin de coordination clinique de proximité pour la prise en charge directe des patients.

 

Cette coordination est assurée dans la cadre de maisons de santé pluriprofessionnelles, de centres de santé, d’équipes de soins primaires ou d’équipes de soins spécialisés.

 

La coordination au sein des maisons de santé pluriprofessionnelles et des centres de santé a déjà fait l’objet d’un accord conventionnel interprofessionnel (ACI) signé en avril 2017[2]. Cet ACI, qui s’est substitué aux Nouveaux modes de rémunération (NMR) des professionnels, assure le financement de cette coordination au sein de ces structures.

 

Les CPTS ont vocation à organiser les réponses collectives aux besoins de santé de la population à l’échelle d’un territoire. Quatre tailles distinctes de territoire sont d’ailleurs citées afin de définir le montant des financements : ces territoires peuvent se situer entre 40 000 et plus de 175 000 habitants. Les CPTS ne se substituent donc pas aux MSP. Elles sont composées de professionnels qui peuvent être regroupés dans des MSP ou des centres de santé, mais aussi des professionnels de ville exerçant seuls, mais qui souhaitent participer à une démarche collective au sein de leur territoire. Elles pourront associer « progressivement » d’autres acteurs de santé du territoire : les établissements et services sanitaires et médico-sociaux, hôpitaux de proximité, hospitalisation à domicile, …

 

L’accord conventionnel insiste sur le fait que les CPTS « s’organisent à l’initiative des professionnels de ville ». Loin de nous l’idée de contester aux professionnels de l’ambulatoire la responsabilité d’organiser leur offre de soins au niveau d’un territoire, et le nombre de CPTS déjà créées ou en cours de création[3]montre bien l’intérêt que cette démarche rencontre chez les professionnels, mais nous mesurons dans notre pratique de conseil sur plusieurs projets, la difficulté que représente, surtout pour des professionnels libéraux, la démarche tendant à réunir leurs confrères et consoeurs pour élaborer un projet de santé (obligatoire) et mettre en place une structure juridique pour porter l’organisation.

 

Si l’accord conventionnel a prévu un financement pour contribuer au fonctionnement des CPTS et un financement des missions qu’elles exercent, le déclenchement de ces financements est conditionné à la signature d’un contrat conforme à un contrat type avec l’ARS et la CPAM. Or, à ce contrat, doit être annexée la copie du projet de santé qui doit avoir été préalablement validé par l’ARS ainsi que les statuts de la CPTS. Ce projet de santé doit être cohérent avec le projet régional de santé et, pour cela, « la communauté professionnelle doit établir un diagnostic territorial nécessitant d’examiner les données des caractéristiques de la population du territoire (sur l’offre de soins et les activités de soins, les flux de patientèle, etc …) ».

 

Ainsi pour bénéficier des financements conventionnels, il faut que les professionnels aient déjà réalisé un travail d’élaboration du projet qui demande compétence et disponibilité qu’il n’est pas toujours possible, malgré les bonnes volontés, de trouver dans les territoires, sauf quand certaines ARS ont prévu des aides extraconventionnelles pour ce faire.

 

Des CPTS pour quoi faire ?

 

Les CPTS doivent avoir un impact sur l’amélioration de l’accès aux soins, la fluidité des parcours des patients et la qualité et l’efficience des prises en charge.

 

À cette fin, l’accord conventionnel retient trois missions obligatoires et deux missions complémentaires qui sont optionnelles.

 

Il s’agit tout d’abord, parmi les missions obligatoires, de faciliter l’accès à un médecin traitant et d’améliorer la prise en charge des soins non programmés en ville : par exemple, recenser les patients qui, sur le territoire ne disposent pas d’un médecin traitant afin de leur en proposer un parmi les médecins de la communauté professionnelle ; organiser la prise en charge le jour même ou dans les 24 heures de la demande d’un patient du territoire en situation d’urgence non vitale grâce à une régulation territoriale ou la présence de maisons de garde. (Un dispositif de compensation financière peut pour cela être prévu en cas d’éventuelle perte d’activité liée à l’organisation de soins non programmés) ; développer le recours à la télé santé (télémédecine ou télésoin).

 

La deuxième mission obligatoire concerne l’organisation des parcours des patients : gestion coordonnée entre tous les professionnels de santé intervenant autour du même patient, l’organisation des liens avec les établissements sanitaires et médico-sociaux, le partage d’informations pour gérer les patients complexes.

 

La troisième mission obligatoire a pour objet de développer des actions territoriales de prévention, des actions de dépistage et de promotion de la santé en rapport avec les besoins du territoire.

 

À ces trois missions socles, peuvent s’ajouter deux missions optionnelles en faveur du développement de la qualité et de la pertinence des soins (échange sur les pratiques, organisation de la concertation, retour d’expérience, …) et en faveur de l’accompagnement des professionnels du territoire et notamment les jeunes en formation ou les jeunes diplômés pour favoriser et faciliter les installations en exercice de ville.

 

La réalisation de ces différentes missions fait l’objet d’un financement qui s’ajoute au financement du fonctionnement de la communauté professionnelle. Ces financements sont variables selon la taille de la CPTS et de l’intensité des moyens mobilisés pour la réalisation des missions.

 

À l’exception des fonds alloués pour l’organisation du dispositif de traitement et d’orientation des demandes de soins non programmés, chaque CPTS est libre quant à l’utilisation et l’affectation des fonds qui lui sont alloués par l’assurance maladie. Elle peut, y compris, compenser financièrement les pertes d’activité pour certains professionnels assurant les soins non programmés.

 

Quel statut juridique pour les CPTS ?

 

À la différence de l’accord conventionnel de 2017 qui oblige les professionnels libéraux qui créent une maison de santé pluriprofessionnelle à s’organiser en SISA (société interprofessionnelle de soins ambulatoires) pour bénéficier des financements que prévoit cet accord, celui de 2019, concernant les CPTS, laisse aux professionnels le soin de choisir le statut juridique de la communauté qui doit toutefois répondre à différents critères :

  • Garantir une pluri-professionnalité ;
  • Permettre à différentes catégories d’acteurs nécessaires à la réalisation des missions que ce soient des personnes physiques ou des personnes morales d’adhérer à la communauté ;
  • Permettre de recevoir les financements de l’assurance maladie et, le cas échéant, d’en effectuer une redistribution si besoin ;
  • S’adapter aux missions choisies ;
  • Avoir la possibilité de recruter du personnel pour le fonctionnement de la communauté.

 

Alors que de très nombreuses CPTS, s’organisent sous la forme associative, ce statut juridique ne permet pas de répondre à l’ensemble des critères retenus dans l’accord conventionnel. Il ne permet pas notamment d’assurer entre les membres de l’association une répartition des financements que cette association aurait reçu de l’assurance maladie au risque de requalification du bénévolat en salariat et de voir remis en cause par l’administration fiscale le caractère désintéressé et bénévole de la gestion de l’association.

 

Les sociétés d’exercice libéral (SEL) sont, comme leur nom l’indique, cantonnées aux professions libérales. Les sociétés civiles professionnelles (SCP) sont des sociétés d’exercices qui ont pour but de permettre à leurs membres l’exercice en commun de leur profession et le partage des recettes résultant de cette activité. Outre que les professions qui peuvent participer à une SCP sont définies par décret et sont limitées aux médecins, chirurgiens-dentistes, biologistes médicaux, infirmiers ou masseurs-kinésithérapeutes, l’objectif d’une SCP ne correspond pas au cadre juridique dont nous aurions besoin pour porter une CPTS (Une CPTS n’a pas pour but l’exercice de la médecine ou d’une profession paramédicale).

 

L’objet des SISA pourrait permettre de porter les coopérations entre professionnels (le 2° de l’article L. 4041-2, CSP prévoit en effet qu’une SISA a pour objet l’exercice en commun par ses associés d’activités de coopération entre professionnels de santé), mais ne peuvent être associées dans une SISA que des personnes physiques.

 

Les groupements de coopération qui existent dans le code de la santé publique (GCS) nécessitent obligatoirement la présence d’un établissement de santé. Si cette possibilité peut se présenter dans certaines situations, ce n’est pas la démarche initiale prévue par l’accord cadre qui s’appuie sur l’initiative de l’offre de soins de ville. Nous pourrions toutefois souhaiter comme nous l’évoquions dans un précédent article sur ce blog[4]qu’évolue ce support juridique et que puissent être créés des groupements de coopération en santé ouverts à tous les acteurs de l’offre de soins sans qu’il soit fait obligation qu’un établissement de santé y participe.

 

Il n’existe donc pas aujourd’hui de cadre juridique satisfaisant.

 

La loi n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, dans son article 64, a habilité le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi

« permettant de favoriser le développement de l’exercice coordonné notamment au sein des communautés professionnelles territoriales de santé, … en adaptant leurs objets, leurs statuts et leurs régimes fiscaux respectifs ou en créant de nouveaux cadres juridiques pour :

1° Faciliter leur création, l’exercice de leurs missions, leur organisation et leur fonctionnement ;

2° Permettre le versement d’indemnités, de rémunérations ou d’intéressements, collectifs ou individuels, aux personnes physiques et morales qui en sont membres ;

3° Rendre possible le versement par l’assurance maladie à la maison de santé de tout ou partie de la rémunération résultant de l’activité de ses membres ;

4° Prévoir les conditions d’emploi et de rémunération par la structure de professionnels participant à ses missions ainsi que des personnels intervenant auprès de médecins pour les assister dans leur pratique quotidienne. »

 

Souhaitons que cette ordonnance soit rapidement publiée pour permettre le développement de ces modes de coopération territoriale absolument nécessaires. En attendant, pour que les initiatives des professionnels ne soient pas bridées, il est possible de trouver des supports provisoires en fonction du niveau de maturité des projets.

 

 

 


[1]Cet accord a fait l’objet d’un arrêté daté du 21 aout 2019 (JO du 24 aout).

[2]Cet accord a fait l’objet d’un arrêté daté du 24 juillet 2017 (JO du 5 aout)

[3]400 selon Nicolas Revel, directeur général de la CNAM.

[4]« CPTS, MSP, SISA : faut-il légiférer ? » publié sur ce site en octobre 2018.

Claude Evin est avocat depuis avril 2004, associé au sein du Cabinet Houdart au 1er septembre 2016.

Il a auparavant exercé diverses responsabilités politiques : élu municipal et régional, député, ministre.

Au cours de son activité parlementaire et ministérielle il a constamment travaillé sur les questions relatives à la santé et à la protection sociale : président de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Nationale et rapporteur de nombreux textes de loi sur ces sujets.

Sa connaissance du secteur hospitalier s'est forgée dans le cadre de diverses responsabilités notamment au sein de la Fédération hospitalière de France. Appelé à préfigurer l'Agence régionale de santé d'Ile de France en octobre 2009, il en a assuré la direction générale jusqu'en aout 2015, date à laquelle il a repris son activité d'avocat.