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Veille juridique
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VEILLE JURIDIQUE AVRIL 2019

Article rédigé le 30 avril 2019 par Marina Debray

SOMMAIRE

 

CHAPITRE I – ACTUALITÉ EUROPÉENNE

  1. Données de santé et droits de l’homme : Recommandation du Comité des ministres du 27 mars 2019.
  2. GPA : Avis de la Cour européenne des droits de l’homme du 10 avril 2019 n°P16-2018-001.

  3. Donneurs de gamètes : Recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 12 avril 2019 n°2156.

 

CHAPITRE II – ACTUALITÉ JURIDIQUE

Assistance médicale à la procréation (AMP) – Loi n°2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

 

CHAPITRE III – ACTUALITÉ JURISPRUDENTIELLE DU CONSEIL CONSTIUTIONNEL 

Les examens radiologiques osseux des mineurs étrangers : Conseil constitutionnel, 21 mars 2019, n°2018-768 QPC.

 

CHAPITRE IV – ACTUALITÉ JURISPRUDENTIELLE DU CONSEIL D’ÉTAT 

  1. La responsabilité personnelle des pharmaciens : Conseil d’Etat, 5eet 6echambres, 28 mars 2019, n°418350 :

  2. VIH : Conseil d’Etat, 5eet 6echambres, 18 mars 2019, n°418458.

  3. Médicament Hyalgan : Conseil d’Etat, 1eret 4echambres, 1eravril 2019, n°416500.

  4. QPC – Conseil d’Etat, 1eret 4echambres, 12 avril 2019, n°427173.

 

CHAPITRE V – ACTUALITE JURISPRUDENTIELLE DE LA COUR DE CASSATION

  1. Remboursement des frais de transport : Cour de cassation, chambre civile 2, 4 avril 2019 n°18-15010.

  2. Amiante et préjudice d’anxiété : Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 avril 2019 n°18-17442.

 

 


CHAPITRE I – ACTUALITE EUROPEENNE

 

I – Données de santé et droits de l’homme : Recommandation du Comité des ministres du 27 mars 2019.

Le Comité des ministres a publié de nouvelles lignes directrices en matière de traitement de données de santé dans le but d’assurer le respect des droits de l’homme aux individus concernés.

La recommandation du Comité des ministres a pour objet de fournir aux Etats membres des orientations en vue d’encadrer le traitement des données relatives à la santé, tant dans le secteur public que privé, afin de garantir le respect des données personnelles et le droit à la vie privée.

Le comité des ministres a ainsi énoncé plusieurs principes à respecter dans le traitement de ces données sensibles à savoir, la transparence, la licéité et la loyauté (article 4.1 a), avant d’énumérer les droits de la personne concernée, notamment les droits d’accès aux données, d’information, de rectification, d’opposition et d’effacement (chapitre III).

Il est intéressant de soulever que ladite recommandation fait état des données relatives de l’enfant à naître telles que les données résultant d’un diagnostic prénatal ou d’une identification de leurs caractéristiques génétiques, qui devraient bénéficier d’une protection adaptée (Chapitre II6.).

Par ailleurs, la recommandation traite des données prédictives résultant de tests génétiques qui ne devraient pas servir à des fins d’assurance, sauf si elles sont strictement encadrées par la loi (Chapitre II.7).

Puis, il est précisé que la personne concernée doit être informée, sauf urgence, du partage des données de santé entre différents professionnels aux fins de prise en charge et d’administration de soins de santé, et que cette personne peut s’opposer à ce partage. Le partage des données doit se limiter aux informations strictement nécessaires à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou au suivi médico-social et social de la personne. Il est ajouté que la confidentialité des données de santé s’applique également dans le secteur sanitaire et médico-social (Chapitre II.8).

La recommandation du Comité des ministres relève également que les données collectées par des applications mobiles doivent bénéficier des mêmes protections juridiques et de confidentialité que celles applicables aux autres modes de traitements des données relatives à la santé. Les personnes qui utilisent ces dispositifs mobiles doivent bénéficier des mêmes droits. Les recours à ces dispositifs doivent s’accompagner de garanties de sécurité spécifiques et adaptées à l’état de l’art de nature à s’assurer en particulier de l’authentification de la personne concernée et du chiffrement des transmissions de données (Chapitre VI).

 

II- GPA : Avis de la Cour européenne des droits de l’homme du 10 avril 2019 n°P16-2018-001.

Pour la Cour européenne des droits de l’homme, le droit au respect de la vie privée de l’enfant n’impose pas une transcription sur l’état civil de la mention de l’acte de naissance désignant le parent d’intention comme parent légal, mais le droit interne doit permettre la possibilité d’une reconnaissance de ce lien.

Pour rappel, dans un arrêt Mennesson contre France (n°65192/11), la CEDH avait considéré que l’impossibilité pour deux enfants nées en Californie d’une GPA et les parents d’intention d’obtenir en France la reconnaissance de la filiation légalement établie aux Etats-Unis n’entrainait pas une violation du respect de la vie familiale, mais entrainait une violation du respect de la vie privée des enfants au motif que « le respect de la vie privée exige que chacun puisse établir les détails de son identité d’être humain, ce qui inclut la filiation » et qu’« un aspect essentiel de l’identité des individus est en jeu dès lors que l’on touche à la filiation », en soulevant enfin l’intérêt supérieur de l’enfant.

Dans sa demande d’avis, la Cour de cassation a précisé que depuis l’arrêt Mennesson sa jurisprudence a évolué puisque la transcription de l’acte de naissance d’un enfant né d’une gestation pour autrui pratiquée à l’étranger est désormais possible, pour autant qu’il désigne le père d’intention comme étant le père de l’enfant lorsqu’il en est le père biologique. Toutefois, cette transcription demeure impossible s’agissant de la maternité d’intention, qui peut toutefois adopter l’enfant si les conditions légales sont réunies et si l’adoption est conforme à l’intérêt supérieur de l’enfant.1

Pour la CEDH, le droit au respect de la vie privée de l’enfant et l’intérêt supérieur de l’enfant n’imposent pas la transcription sur les registres français d’état civil de la mention de l’acte de naissance qui désigne la « mère d’intention » comme mère légale.

En revanche, il requiert que le droit interne de l’Etat membre offre une possibilité au cas par cas de reconnaissance de ce lien, par exemple par l’adoption de l’enfant par la mère d’intention. Effectivement, la CEDH considère que l’impossibilité générale et absolue d’obtenir la reconnaissance du lien entre un enfant né d’une gestation pour autrui et la « mère d’intention » n’est pas conciliable avec l’intérêt supérieur de l’enfant. La CEDH précise enfin que cette solution s’applique également dans la situation selon laquelle l’enfant issu de la GPA a été conçu avec les gamètes de la mère d’intention.

 

III- Donneurs de gamètes : Recommandation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 12 avril 2019 n°2156.

Pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, les Etats membres doivent lever l’anonymat des donneurs de gamètes au seizième ou dix-huitième anniversaire de l’enfant ainsi conçu.

Tout d’abord, l’Assemblée parlementaire souligne que le droit de connaître ses origines est un droit qui a progressé dans le droit international des droits humains, mais qui doit être en équilibre avec les intérêts des autres parties dans le don de spermatozoïdes et d’ovocytes, tels que les donneurs, les parents légaux, les cliniques, les prestataires de service, ainsi qu’avec les intérêts de la société et les obligations de l’Etat.

L’Assemblé parlementaire explique que l’équilibre a pendant longtemps penché en faveur du droit à la vie privée du donneur et à son anonymat. Mais, elle indique qu’il existe un mouvement inverse, en citant pour exemple l’Etat de Victoria en Australie qui a levé l’anonymat des donneurs et ce de manière rétroactive.

L’Assemblée parlementaire préconise donc la levée de l’anonymat pour tous les dons futurs de gamètes au seizième ou dix-huitième anniversaire de l’enfant ainsi conçu.

Elle précise que la levée de l’anonymat ne devra avoir aucune conséquence juridique sur la filiation. Le donneur ne pourra contacter l’enfant né à partir de ce don, mais a contrario l’enfant pourra avoir la possibilité de contacter le donneur ainsi que d’éventuels demi-frère et demi-sœur.

Puis, il est souligné que les Etats devront tenir un registre des donneurs permettant de limiter le nombre de dons effectués par personne, de veiller à ce que les parents proches ne puissent se marier et de garder une trace des donneurs en cas de besoin médical.

Enfin, contrairement à ce qui est pratiqué dans l’Etat de Victoria en Australie, l’Assemblée parlementaire considère que la levée de l’anonymat ne doit pas se faire de manière rétroactive, sauf pour des raisons médicales ou lorsque le donneur l’a consenti.

CHAPITRE II – ACTUALITE JURIDIQUE

 

Assistance médicale à la procréation (AMP) – Loi n°2019-22 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice :

Le consentement du couple souhaitant procéder à une AMP ou accueillir un embryon humain, ne sera plus recueilli devant l’autorité judiciaire mais uniquement devant un notaire.

La révision relative à la bioéthique a commencé à être initiée par l’article 6 de la loi du 23 mars 2019 portant sur la programmation financière de la justice.

Il est intéressant de savoir que cette nouvelle disposition a engendré de houleux débats entre le Sénat et l’Assemblée nationale, qui a eu le dernier mot.

Concernant l’AMP avec tiers donneur :

Auparavant, l’article L.2141-10 du code de la santé publique prévoyait que les époux, partenaires liés par un PACS ou les concubins qui, pour procréer, recouraient à une assistance médicale nécessitant l’intervention d’un tiers donneur, devaient préalablement donner leur consentement à un notaire ou au président du tribunal de grande instance. La compétence de l’autorité judiciaire a donc été supprimée en la matière, au profit de la compétence exclusive du notaire.

Concernant l’accueil d’un embryon humain :

Auparavant, l’article L.2141-6 du code de la santé publique prévoyait que le couple voulant accéder à la procédure d’accueil d’un embryon humain devait avoir l’autorisation du président du tribunal de grande instance par le biais d’une procédure gracieuse. Le législateur avait souhaité ainsi rapprocher l’accueil d’un embryon humain à la procédure d’adoption.

La loi du 23 mars 2019, en plus de supprimer l’autorisation du juge, donne compétence exclusive au notaire qui devra se contenter de recueillir au préalable le consentement du couple. A noter que cette même procédure devant le notaire s’applique également aux couples de donneurs d’embryon humain.

De surcroit, le notaire n’exercera pas les prérogatives qui étaient alors jusque-là conférées à l’autorité judiciaire en la matière, à savoir, procéder à toutes investigations utiles lui permettant d’apprécier les conditions que le couple d’accueil de l’embryon était susceptible d’offrir à l’enfant à naître sur le plan familial, éducatif et psychologique, ou encore le pouvoir de vérifier que le couple remplissait les conditions légales leur permettant d’accéder à cette procédure.

CHAPITRE III – ACTUALITE JURISPRUDENTIELLE DU CONSEIL CONSTIUTIONNEL

 

Les examens radiologiques osseux des mineurs étrangers : Conseil constitutionnel, 21 mars 2019, n°2018-768 QPC :

Le Conseil constitutionnel a validé l’article 388 du code civil portant sur les très controversés examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge des mineurs étrangers.

Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité des deuxième et troisième alinéas de l’article 388 du code civil avec la protection de l’intérêt de l’enfant fondée sur le dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946.

Avant toute chose, l’article 388 du code civil dispose que :

« Le mineur est l’individu de l’un ou l’autre sexe qui n’a point encore l’âge de dix-huit ans accomplis.

Les examens radiologiques osseux aux fins de détermination de l’âge, en l’absence de documents d’identité valables et lorsque l’âge allégué n’est pas vraisemblable, ne peuvent être réalisés que sur décision de l’autorité judiciaire et après recueil de l’accord de l’intéressé.

Les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d’erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l’intéressé est mineur. Le doute profite à l’intéressé.

En cas de doute sur la minorité de l’intéressé, il ne peut être procédé à une évaluation de son âge à partir d’un examen du développement pubertaire des caractères sexuels primaires et secondaires ».

Sur la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant :

Le requérant faisait valoir que le manque de fiabilité des examens radiologiques osseux conduirait à juger comme majeurs des mineurs étrangers isolés et à les exclure en conséquence du bénéfice des dispositions législatives destinés à les protéger.

A cela, le Conseil constitutionnel estime que du fait des nombreuses garanties entourant le recours aux examens osseux, à savoir la compétence de l’autorité judiciaire pour ordonner cette mesure, la nécessité du consentement de l’intéressé, l’absence de documents d’identité valables et la reconnaissance de l’existence d’une marge d’erreur, le législateur n’a pas méconnu l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Sur le droit à la protection de la santé du mineur :

Le requérant alléguait également que le droit à la protection de la santé était méconnu par l’article 388 du code civil en ce qu’il autorise le recours à un examen radiologique comportant des risques pour la santé, sans finalité médicale et sans le consentement réel de l’intéressé.

A cela, le Conseil constitutionnel considère que le texte contesté ne méconnait pas le droit à la protection de la santé au regard des conditions susmentionnées et en prenant en compte un avis médical qui le déconseillerait à raison des risques particuliers qu’il pourrait présenter pour la personne concernée.

Sur le principe de sauvegarde de la dignité humaine :

Le requérant estimait que l’article 388 du code civil contreviendrait au principe de sauvegarde de la dignité humaine.

A cela, le Conseil constitutionnel répond que l’article 388 du code civil ne méconnait pas le principe de la dignité humaine puisque les examens osseux visent uniquement à déterminer un âge avec le consentement de l’intéressé, et ne comportant aucun procédé douloureux, intrusif ou attentatoire à la dignité de la personne.

Sur les autres griefs :

Le requérant arguait que l’article 388 du code civil est entaché d’incompétence négative dans les conditions portant atteinte au principe d’égalité devant la loi en tant qu’elles permettraient le recours à des examens osseux en l’absence de « documents d’identité valables » sans préciser cette notion ni renvoyer à d’autres dispositions législatives qui le feraient. Egalement, ce texte serait contraire au principe du respect de la vie privée par la divulgation de données médicales.

A cela, le Conseil constitutionnel explique enfin que la notion de « documents d’identité valable » est suffisamment précise, et que les examens radiologiques osseux de contreviennent pas au droit au respect de la vie privée.

Le Conseil constitutionnel déclare donc l’article 388 du code civil conforme à la Constitution.

CHAPITRE IV – ACTUALITE JURISPRUDENTIELLE DU CONSEIL D’ETAT

 

  1. La responsabilité personnelle des pharmaciens : Conseil d’Etat, 5eet 6echambres, 28 mars 2019, n°418350 

Chacun des pharmaciens exerçant dans le cadre d’une société d’exercice libérale doit répondre aux irrégularités entachant l’activité de l’officine exploitée en commun, à l’exception de celles dont il est établi qu’elles sont exclusivement imputables au comportement personnel d’un ou plusieurs coassociés.

Un médecin conseil a porté plainte contre un pharmacien associé d’une société d’exercice libérale à responsabilité limitée devant la section des assurances sociales du conseil régional des pharmaciens d’Ile-de-France.

Par une décision du 19 décembre 2017, le conseil régional rejette l’appel du requérant en confirmant la sanction de l’interdiction de servir des prestations aux assurés sociaux d’une durée de douze mois pour avoir à l’occasion de la délivrance de prescriptions à des assurés sociaux méconnu les dispositions du code de la santé publique et du code de la sécurité sociale, et retient que le pharmacien associé doit être regardé comme responsable des irrégularités constatées dans l’officine dès lors qu’il a la qualité de pharmacien associé au sein de la SELARL qu’il exploite. Le pharmacien condamné a formé un pourvoi en cassation.

En parallèle, le conseil régional des pharmaciens a rejeté la contestation du refus de transmission des questions prioritaires de constitutionnalité portant sur les articles L.145-12et L.145-43du code la sécurité sociale, ainsi que sur la jurisprudence selon laquelle chacun des pharmaciens associés dans une société d’exercice libéral devrait répondre de toute irrégularité constatée dans l’officine.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Le Conseil d’Etat estime que le législateur n’avait pas méconnu ni ses compétences, ni le principe de légalité des délits et des peines en confiant au pouvoir réglementaire, par l’article L.145-4 du code de la sécurité sociale, le soin d’étendre et d’adapter aux pharmaciens les règles applicables au contentieux du contrôle technique prévu à l’article L.145-1 du code de la sécurité sociale.

Egalement, concernant la jurisprudence contestée, le Conseil d’Etat estime qu’il résultait des article L.5125-154, R.4235-135et R.5125-146et suivants du code de la santé publique, de l’article 1erde la loi du 31 décembre 19907et du principe de personnalité des peines, que « chacun des pharmaciens exerçant dans le cadre d’une société d’exercice libérale doit répondre aux irrégularités entachant l’activité de l’officine exploitée en commun, à l’exception de celles dont il est établi qu’elles sont exclusivement imputables au comportement personnel d’un ou plusieurs coassociés ». Le Conseil d’Etat précise toutefois que cette jurisprudence ne peut être regardée comme une interprétation des articles L.145-1 et L.145-4 du code de la sécurité sociale, puisque ces dispositions se bornent à créer une juridiction spécifique au contentieux techniques de la sécurité sociale et n’ont pas pour objet de définir les conditions d’engagement de la responsabilité disciplinaire des professionnels concernés.

Sur le pourvoi en cassation :

Le Conseil d’Etat a estimé que la section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des pharmaciens a commis une erreur de droit en omettant de vérifier que les manquements reprochés pouvaient être regardés comme exclusivement imputables à l’action personnelle d’un ou plusieurs coassociés, en vertu de la règle jurisprudentielle susvisée.

  1. VIH : Conseil d’Etat, 5eet 6echambres, 18 mars 2019, n°418458 :

Il n’existe pas de lien de causalité entre l’absorption d’antirétroviraux pendant la grossesse et les troubles de comportement autistique de l’enfant.

La mère d’un enfant atteinte du VIH et qui a absorbé des antirétroviraux au cours de sa grossesse, a été suivie dans un centre hospitalier. Durant le développement de l’enfant, ce dernier a présenté des troubles du comportement autistique.

Le Conseil d’état a confirmé la décision de la cour administrative d’appel attaquée8qui a dans un premier temps relevé qu’en 1999, l’ensemble des médecins en activité avait reçu une lettre de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSPS) demandant que les femmes séropositives au VIH soient informées du fait que l’absorption de médicaments antirétroviraux pendant la grossesse exposait l’enfant à naître à un risque accru de développer des atteintes mitochondriales provoquant des troubles neurologiques.

De ces constatations, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en refusant de condamner le centre hospitalier au motif que, même si l’établissement de santé, qui avait connaissance de ce que la patiente prenait un traitement antirétroviral, n’établissait pas avoir délivré à l’intéressé une telle information, les conclusions des experts indiquent que les troubles autistiques manifestés par l’enfant de la requérante ne permettaient de caractériser une maladie mitochondriale et que d’autre part, il n’était pas établi que la prise de médicaments antirétroviraux pendant la grossesse aurait exposé l’enfant à naître à un risque accru de développer de tels troubles.

  1. Médicament Hyalgan : Conseil d’Etat, 1eret 4echambres, 1eravril 2019, n°416500 :

La société Laboratoires Expanscience demande au Conseil d’Etat d’annuler l’arrêté du ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l’action et des comptes publics du 9 octobre 2017 portant radiation de la spécialité Hyalgan, solution injectable pour voie intra articulaire, de la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L.162-17 du code de la sécurité sociale, au motif tiré de l’insuffisance du service médical rendu en vertu de l’article R.163-7 du code de la sécurité sociale.

Sur la légalité externe :

Le Conseil d’Etat explique dans un attendu de principe que « L’organisme dont une disposition législative ou réglementaire prévoit la consultation avant l’intervention d’une décision doit être mis à même d’exprimer son avis sur l’ensemble des questions soulevés par cette décision. Par suite, l’administration ne peut valablement se fonder sur l’avis émis par un tel organisme mais doit le consulter de nouveau si les circonstances de fait et de droit au regard desquelles elle prend sa décision se sont modifiées depuis cet avis ou si cette décision soulève une question nouvelle sur laquelle l’organisme n’a pas été mis à même de se prononcer ».

Le Conseil d’Etat explique ensuite que l’article R.163-4 du code de la sécurité sociale prévoit que l’inscription et le renouvellement de l’inscription des médicaments sur la liste prévue sont prononcés après avis de la commission de la transparence de la Haute Autorité de Santé, et que cette commission avait jugeait faible le service médical rendu par la spécialité Hyalgan dans le cadre de son renouvellement.

De ce fait, le Conseil d’Etat estime que l’arrêté attaqué n’est pas entaché d’illégalité externe au motif que :

  • La circonstance que les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale s’étaient implicitement prononcés, à la suite de l’avis de la commission de la transparence du 19 novembre 2014, sur le caractère suffisant du service médical rendu de la spécialité Hyalgan pour justifier le renouvellement de son inscription sur la liste des médicaments remboursables, accordé tacitement en l’absence de décision notifiée à l’entreprise, ne faisait pas obstacle à ce que les ministres prennent une nouvelle décision au vu du même avis.

  • L’appréciation du service médical rendu par un médicament repose sur les mêmes critères énumérés à l’article R.163-3 du code de la sécurité sociale, qu’il y soit procédé en vue de son éventuelle radiation des listes de remboursement ou en vue d’un renouvellement. Les dispositions de l’article R.163-16 du code de la sécurité sociale qui prévoient la communication de l’avis de la commission de la transparence à l’entreprise qui exploite le médicament et lui ouvrent la possibilité de demander à être entendue ou à présenter des observations écrites, s’appliquent également de la même façon que l’avis soit rendu par la commission à la demande des ministres en vue d’une radiation ou à la demande de l’entreprise en vue d’un renouvellement d’inscription. Ainsi, les décisions attaquées ne soulevaient pas de question différente que celles sur lesquelles la commission de la transparence s’était prononcée, dans le cadre d’une procédure consultative entourée des mêmes garanties.

  • Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commission aurait dû prendre en considération, postérieurement à l’évaluation de 2014, des données nouvelles, que la société requérante n’a d’ailleurs pu mettre en évidence lors de la préparation de l’audition par la commission de la transparence de 2017 à laquelle elle a finalement renoncée. Ainsi, en l’absence de modification des circonstances de fait et de droit au regard desquelles les arrêtés ont été pris, le délai qui s’est écoulé entre l‘avis de la commission de la transparence de 2014 et les arrêtés de 2017, inférieur au délai de cinq ans au terme duquel l’inscription sur la liste des médicaments remboursables doit en principe être réexaminée, n’imposait pas que la commission soit de nouveau saisie pour avis.

Sur la légalité interne :

De prime abord, il est rappelé que l’article R.163-3 du code social prévoit que l’appréciation du service rendu par le médicament doit prendre en compte « l’efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité de l’affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et son intérêt pour la santé publique ».

Le Conseil d’Etat estime que la société Laboratoires Expanscience n’est pas fondée à demander l’annulation des arrêtés attaqués en vertu d’une illégalité interne au motif que :

  • La circonstance que l’inscription d’une spécialité sur la liste de remboursement de la sécurité sociale est en principe prononcée pour une durée de cinq ans ne fait pas obstacle à la mise en œuvre, à tout moment, de la procédure de radiation d’un médicament inscrit sur cette liste.

  • Les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ne sont pas liés, dans l’appréciation qu’ils portent sur le service médical rendu par une spécialité, par les positions prises par la commission de la transparence au terme de son évaluation.

  • En prenant en considération l’absence de preuve de la supériorité de Hyalgan par rapport au placebo ou par rapport aux dispositifs médicaux poursuivant la même visée thérapeutique, ainsi que l’existence d’alternatives thérapeutiques aux injections de solutions d’acide hyaluronique dans le traitement de la gonarthrose, et l’absence de diminution du recours aux anti-inflammatoires non stéroïdiens associée à ces injections, les ministres ont tenu compte d’éléments relatifs à l’efficacité de Hyalgan, à sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles et à son intérêt pour la santé publique. Si les solutions viscoélastique d’acide hyaluronique ayant le statut de dispositif médical et dotées des mêmes indications thérapeutiques relèvent d’un régime différent, elles constituent toutefois des comparateurs pertinents que les ministres pouvaient prendre en considération à ce titre.

  • Il ressort des pièces des dossiers que la spécialité Hyalgan était précédemment admise au remboursement pour le traitement des patients atteints de gonarthrose, après échec des antalgiques et échec des anti-inflammatoires non stéroïdiens ou intolérance. Eu égard au caractère d’affection de gravité moyenne de l’arthrose du genou, au fait que la spécialité constitue un traitement symptomatique, dont l’effet sur la douleur et sur la gêne fonctionnelle a été regardé par la commission de la transparence comme, au mieux faible, compte tenu du faible niveau de preuve, sur la base des standards les plus récents, des études cliniques disponibles et au fait que, si la spécialité est indiquée dans le traitement des patients pour lesquels les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne sont pas appropriés, il existe des alternatives thérapeutiques autres que médicamenteuses, il ne ressort pas des pièces des dossiers que les ministres, qui ne se sont pas fondés sur des faits inexacts, auraient commis une erreur manifeste d’appréciation en estimant que le service médical rendu par la spécialité était insuffisant et en la radiant pour ce motif, qui suffisaient à justifier les mesures prises, des listes mentionnées aux articles L.162-17.

  1. QPC – Conseil d’Etat, 1eret 4echambres, 12 avril 2019, n°427173 :

Le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel une QPC portant sur le dernier alinéa du II de l’article L.6154-2 du code de la santé publique qui dispose que « Des dispositions réglementaires, qui peuvent, le cas échéant, déroger aux dispositions du 4° du I de l’article L. 6112-2, fixent les modalités d’exercice de l’activité libérale ».

Cet article L.6112-2 4° du code de la santé publique prévoit que les établissements de santé assurant le service public hospitalier et les professionnels de santé qui exercent en leur sein garantissent à toute personne qui recours à leurs services l’absence de facturation de dépassements des tarifs fixés par l’autorité administrative et des tarifs des honoraires prévus au 1° du I de l’article L 162-14-1 du code de la sécurité sociale.

Le Conseil d’Etat considère que le moyen tiré de ce que le dernier alinéa du II de l’article L. 6154-2 du code de la santé publique porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment au principe d’égalité entre praticiens des établissements publics de santé et des établissements privés de santé habilités à assurer le service public hospitalier soulève une question présentation un caractère sérieux.

CHAPITRE V – ACTUALITE JURISPRUDENTIELLE DE LA COUR DE CASSATION

 

  1. Remboursement des frais de transport : Cour de cassation, chambre civile 2, 4 avril 2019 n°18-15010.

Le remboursement des frais de transport liés au traitements ou examens prescrits pour les affections de longue durée est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade au point de la structure de soins appropriée la plus proche.

La requérante a sollicité la prise en charge des frais de transport exposés pour que sa fille puisse se rendre de leur domicile situé près de Tours, à une clinique située à Sainte-Foy-lès-Lyon qui assurait son suivi médical. La CPAM d’Indre-et-Loire, après expertise médicale technique, a limité le remboursement de ces frais sur la base d’une distance séparant le domicile de l’assuré de la structure de soins la plus proche située à un hôpital de Paris.

Le tribunal de la sécurité sociale, après avoir rappelé que le médecin expert avait considéré que l’intervention qui nécessitait une technique particulière pouvait être réalisée à l’hôpital de Paris, retient que dès lors que l’intervention ne pouvait être réalisée à Tours, la différence de kilométrage entre Tours et Paris d’une part, et Tours et Lyon d’autre part, ne peut justifier le refus de prise en charge de la caisse.

La Cour de cassation casse et annule le jugement du tribunal de la sécurité sociale au motif qu’il résulte de la combinaison des articles R.322-10 et R.222-10-5 du code de la sécurité sociale que le remboursement des frais de transport liés aux traitements ou examens prescrits en application de l’article L.324-1 du code de la sécurité sociale pour les maladies reconnus atteints d’une affection de longue durée et présentant l’une des déficiences ou incapacités définies par le référentiel de prescription mentionné à l’article R.322-10-1 du même code, est calculé sur la base de la distance séparant le point de prise en charge du malade de la structure de soins prescrite appropriée la plus proche.

  1. Amiante et préjudice d’anxiété : Cour de cassation, Assemblée plénière, 5 avril 2019 n°18-17442.

La Cour de cassation vient d’ouvrir la possibilité pour les salariés qui justifient d’une exposition à l’amiante mais qui n’ont pas travaillé dans l’un des établissements figurant dans la liste mentionnée à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998, d’agir contre leur employeur pour manquement à son obligation de sécurité, et de solliciter ainsi l’indemnisation d’un préjudice d’anxiété.

Une cour d’appel a condamné une société à verser à un salarié des dommages et intérêts au titre du préjudice d’anxiété, en raison de l’inhalation des fibres d’amiante durant son activité professionnelle, au titre de son obligation de sécurité de résultat.

La société s’est pourvue en cassation au motif que la réparation du préjudice d’anxiété n’est admise, pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi du 23 décembre 19989et l’arrêté ministériel, et lorsque la société rentre dans les prévisions de ce même article. Elle allègue donc qu’elle ne figure pas elle-même dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi précitée, en sorte que les salariés ne pouvaient prétendre à l’indemnisation d’un préjudice moral au titre de leur exposition à l’amiante, y compris sur le fondement d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité.

La Cour de cassation rappelle que dans un arrêt du 11 mai 201010, la chambre sociale avait reconnu aux salariés ayant travaillé dans un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi précitée et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel, le droit d’obtenir réparation d’un préjudice spécifique d’anxiété tenant à l’inquiétude permanente générée par le risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante. Elle précise que cette jurisprudence avait instauré un régime de preuve dérogatoire pour ces salariés les dispensant ainsi de justifier à la fois de leur exposition à l’amiante, de la faute de l’employeur et de leur préjudice, tout en précisant que l’indemnisation accordée au titre du préjudice d’anxiété réparait l’ensemble des troubles psychologiques, y compris ceux liés au bouleversement dans les conditions d’existence.

La Cour de cassation rappelle également qu’un arrêt de la chambre sociale du 26 avril 201711avait affirmé que la réparation du préjudice d’anxiété ne pouvait être admise pour les salariés exposés à l’amiante, qu’au profit de ceux remplissant les conditions prévues par l’article 41 de la loi précitée et l’arrêté ministériel et dont l’employeur entrait lui-même dans les prévisions de ce texte.

Or, pour la Cour de cassation, il apparait toutefois, à travers le développement de ce contentieux, que de nombreux salariés, qui ne remplissent pas les conditions précitées ont pu être exposés à l’inhalation de poussières d’amiante dans des conditions de nature à compromettre gravement leur santé. Par conséquent, il y a lieu d’admettre en application des règles de droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, que le salarié qui justifie d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, peut agir contre son employeur, pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, quand bien même, il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements mentionnés à l’article 41 de la loi du 23 décembre 1998 modifiée.

Enfin, la Cour de cassation estime que la cour d’appel n’a pas caractérisé suffisamment le préjudice d’anxiété résultant du risque élevé de développer une pathologie grave en retenant que ce préjudice résultant de l’inquiétude permanente, éprouvée face au risque de déclaration à tout moment de l’une des maladies mortelles liées à l’inhalation de fibres d’amiante, revêt comme tout préjudice moral un caractère intangible et personnel.


1Cour de cassation assemblée plénière, 3 juillet 2015 n°14-21323 et n°15-50002, Cour de cassation, chambre civile 1, 5 juillet 2017 n°16-16901, n°15-28597, n°16-16498, N°16-20052, n°16-16455.

2Article L.145-1 du code de la sécurité sociale : « Les fautes, abus, fraudes et tous faits intéressant l’exercice de la profession, relevés à l’encontre des médecins, chirurgiens-dentistes ou sages-femmes à l’occasion des soins dispensés aux assurés sociaux, sont soumis en première instance à une section de la chambre disciplinaire de première instance des médecins ou des chirurgiens-dentistes ou des sages-femmes dite section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des médecins ou section des assurances sociales du conseil national de l’ordre des sages-femmes ».

3Article L.145-4 du code de la sécurité sociale : « Un décret en Conseil d’Etat détermine les conditions dans lesquelles les dispositions du présent chapitre sont étendues et adaptées aux difficultés nées de l’exécution du contrôle des services techniques en ce qui concerne les pharmaciens et les auxiliaires médiaux autres que ceux visés à l’article L.4391-1 du code de la santé publique »

4Article L.5125-15 CSP: « Le pharmacien titulaire d’une officine doit exercer personnellement sa profession.

La mise en œuvre des dispositions prévues à l’article L 5125-7-1 ne fait pas obstacle à l’exercice personnel du titulaire.

En toutes circonstances, les médicaments doivent être préparés par un pharmacien, ou sous la surveillance directe d’un pharmacien. (…) ».

5Article R.4235-13 CSP : « L’exercice personnel auquel est tenu le pharmacien consiste pour celui-ci à exécuter lui-même les actes professionnels ou à en surveiller attentivement l’exécution s’il ne les accomplit pas lui-même ».

6Article R.5125-14 CSP : « Les dispositions des articles R. 5125-15 à R.5125-24 régissent les sociétés constituées en application du titre Ier de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, et dont l’objet est l’exercice en commun de la profession de pharmacien d’officine. Ces sociétés portent la dénomination de société d’exercice libéral de pharmacien d’officine ».

7Art 1 de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 alinéa 1 : « Il peut être constitué, pour l’exercice d’une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, des sociétés à responsabilité limitée, des sociétés anonymes, des sociétés par actions simplifiées ou des sociétés en commandite par actions régies par les dispositions du livre II du code de commerce, sous réserve des dispositions du titre Ier de la présente loi. »

8Cour administrative d’appel de Bordeaux , 28 décembre 2017, n°15BX03099.

9Ce texte fixe les conditions dans lesquelles le salarié peut prétendre à une retraite anticipée au titre d’une exposition à l’amiante.

10Cour de cassation, chambre sociale, 11 mai 2010, n°09-42241.

11Cour de cassation, chambre social, 26 avril 2017, n°15-19037.